(*) Le mode deux joueurs se cantonne à des duels en écran partagé.
Ace Combat: Distant Thunder est le titre européen. La désignation originale exacte est Ace Combat 04: Shattered Skies, et c’est la seule fois où vous me verrez écrire « 04 ». Ces excentricités dans la nomenclature me font friser du nez.
D’ailleurs, j’avais l’intention de m’arrêter au troisième épisode, de couvrir uniquement les jeux auxquels j’avais joué, ado. Mais un détail m’a turlupiné. Je n’arrivais pas à me remémorer un vieux souvenir que j’associais à Ace Combat 3, un mec qui racontait son enfance pendant la guerre… Par curiosité, j’ai visionné les premières images d’Ace combat 4, et soudainement, ça m’est revenu : je possédais bien une PlayStation 2 dans les années 2000 ! Je l’avais sans doute achetée au moment de la sortie de Mega Man X7, avant de sombrer dans une forme d’amnésie traumatique…
L’intrigue se déroule à la fin du xxe siècle. En réponse aux prédictions de Paco Rabanne, et à la menace imminente d’un astéroïde, en passe de s’écraser sur Terre, une union de pays construisit une batterie de canons géants (appelée Stonehenge). L’astéroïde fut rapidement pulvérisé, avant que l’un de ces pays ne s’approprie cette arme redoutable afin de conquérir ses voisins.
Le joueur incarne évidemment un pilote au service de la coalition agressée, mais l’histoire est relatée par un civil, au passé, car il était enfant au moment où la guerre a éclaté. Il parle d’un ton mélancolique, devant de simples illustrations, accompagnées d’un air de guitare sèche. Ces courtes scènes narratives restent suffisamment en retrait pour ne pas verser dans le pathos. C’est cliché, mais réalisé avec goût et sobriété. L’imagerie évocatrice de la seconde guerre mondiale, dans un village qui ressemble à la France sous occupation, me parle certainement davantage que la dystopie corporatocratique lantiponnante endurée dans le jeu précédent.
Toutefois, je ne comprends pas pourquoi, après tant d’expérience accumulée, le briefing demeure à ce point austère. C’était le plus facile à produire, ils n’avaient qu’à copier Ace Combat 2. Quant aux débriefings, ils ressemblent à une émission boursière, pleine de chiffres et de flèches. Et en plus d’être glaciale, l’interface utilisateur ne se donne même pas la peine d’être lisible. Regardez, par exemple, l’écran de sélection des avions.
Concernant le maniement, il tient plus du deuxième que du troisième épisode, j’en suis ravi. On tourne et on redresse aisément, les décrochages ne se font presque plus sentir. Je regrette tout de même que les missiles ennemis redeviennent trop faciles à éviter. Le marché aux avions fait également son retour, complété d’un module d’achat d’armes secondaires, qui apporte enfin une différenciation marquée entre les classes d’appareils (chasseurs, bombardiers, polyvalents).
Nouvelle génération de console oblige, nous avons droit à des cartes plus vastes, des cibles en plus grand nombre, et bien sûr, des décors plus détaillés. Cependant, je retiens des environnements mornes, aux dominantes de gris et de marron. La conséquence positive de cette montée en échelle, c’est que pour la première fois dans la série, nous surveillons le compteur de munitions. Cette restriction dans le nombre de missiles (une soixantaine en moyenne, pour un double de cibles) est une manière plus intelligente de nous inciter à utiliser la mitrailleuse (sur les cibles au sol notamment, au risque de s’écraser) que le prétexte fatigué du brouillage radar… C’est ce que je me suis dit avant de me cogner la douzième mission, puis la treizième. Non, ils n’ont pas compris. Tant pis…
Si le système de notation à l’issue des missions perdure (et pour le restant de la série), au moins, l’objectif est annoncé clairement (en nombre de points à atteindre) et la limite de temps s’avère moins répressive. Je reconnais que cela apporte une certaine dimension tactique : choisir les cibles à privilégier (celles qui rapportent le plus de points) ainsi que l’appareil et l’armement les plus adaptés.
En revanche, il y a beaucoup trop de missions de bombardement à mon goût. Qu’on m’explique l’intérêt ludique au fait de frapper des dizaines de cibles immobiles, au sol. Même remarque concernant cette nouvelle faculté d’effectuer un fastidieux aller-retour au milieu d’une mission pour se ravitailler en munitions.
Néanmoins, je salue l’effort d’agrémenter un peu l’ambiance par des messages radio émanant des belligérants des deux camps (ils ne connaissent pas le chiffrement des communications, apparemment). La présence des alliés se fait d’ailleurs nettement plus sentir que dans les titres précédents, bien que le fait de se trouver en concurrence avec ces derniers pour maximiser les points, les réduise à des parasites, plutôt que des compagnons d’armes.
Lors de la mission 8, j’ai touché un membre de « l’escadrille jaune » (des chasseurs d’élite ennemis). Cela a suscité des échanges radio, où ils se sont demandé qui pouvait être ce mystérieux pilote, extraordinairement talentueux, fringant, au regard pénétrant et aux muscles d’airain. Ils parlaient de moi, si vous n’aviez pas compris. Mon immense modestie m’a interdit de répondre, et après quelques instants de stupeur affectée, ils ont préféré fuir le champ de bataille. J’ai trouvé la séquence surprenante, et flatteuse. C’est la première fois qu’un simulateur de vol me traitait avec autant d’égards. Je dois avouer que cela ne m’a pas laissé insensible…
Venons-en au sel du jeu, le combat aérien. Comme dans le 3, quelque chose me chiffonne dans le comportement des avions ennemis. Tantôt, ils volent en ligne droite comme des corneculs, en ignorant les missiles qui leur arrivent dessus, et d’autres fois, ils tournoient sur place, pendant plusieurs minutes, en parfaite synchronisation avec moi, et à un angle si étroit qu’il m’est impossible de me placer derrière. On dirait deux boxeurs dans les bras l’un de l’autre, trop proches pour se frapper. Ça me rappelle ces vieux jeux de casse-brique où la balle rebondissait parfaitement à la verticale, une situation de blocage artificielle que l’ordinateur devrait empêcher de se prolonger.
Vous me direz, c’est plus réaliste si l’ennemi cherche à esquiver nos tirs par tous les moyens. Ça le serait si mes nombreux alliés profitaient de ce que je cloue ainsi ma cible pour intervenir, ou si je me sentais un tant soit peu en danger à vitesse réduite… Non, c’est seulement énervant.
De plus, cette composition aléatoire s’accorde très mal avec l’objectif de marquer des points en temps limité (sans parler du rationnement en munitions). J’apprécierais beaucoup plus un « dogfight » prolongé, face à des ennemis plus agressifs, si vous me retiriez cette foutue contrainte de temps. Au contraire, si l’ambition est de réaliser un jeu d’arcade nerveux où tout ce qui compte est le score, alors, il me semble important d’implémenter un comportement constant. Il est immensément frustrant de constater une telle variation, non pas due à notre façon de jouer, mais à la propension arbitraire des ennemis à éluder nos tirs et à pourrir notre moyenne.
En conclusion, Ace Combat 4 m’a paru convenu et ennuyeux, malgré les scènes narratives remarquables. La présentation terne et la course aux points m’ont donné l’impression de travailler, non d’incarner Tom Cruise. J’aurais préféré que le jeu adopte une structure similaire à Colony Wars, où l’ambiance et la narration prévalent sur les tableaux de chiffres.
La campagne compte 18 missions, plus 5 missions spéciales de type « défis ». Pour débloquer l’avion ultime, il faut non seulement obtenir un « S » dans chaque mission (le niveau de difficulté déterminera sa couleur), mais en plus, terminer le jeu une deuxième fois. J’ai trouvé cette décision stupide, parce qu’une fois l’avion tant désiré, finalement en ma possession, je n’avais plus envie de continuer.