Ace Combat 3: Electrosphere
Développeur : Namco | Graphismes : |
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Éditeur : Namco | Sons et musiques : |
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Année : 1999 (Japon), 2000 (ailleurs) | Difficulté : |
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Genre : Simulateur de vol / Arcade | Durée de vie : |
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Nombre de joueurs : 1 | Note : |
6/10 | |
Je me souviens avoir boudé Ace Combat 3, à l’époque. J’avais trouvé l’ambiance plate, notamment à cause de ses briefings de missions insipides, communiqués par quelques lignes de texte mal traduites, sur fond de musique d’ascenseur. En outre, le design futuriste des appareils ne m’avait pas emballé (l’histoire se passe en 2040). L’idée d’affronter des Migs 28 et des Soukhoï Su-27 m’excitait davantage que de rencontrer des R-101 Delphinus et des R-201 Asterozoa…
Or, j’ai appris tout récemment (en 2024) que la version européenne avait été sévèrement tronquée par rapport à son homologue japonaise ; que la version originale présentait un scénario étoffé, appuyé par des dialogues entièrement doublés et des scènes cinématiques en anime. Mieux encore, le joueur se voyait offrir des choix, ouvrant différents embranchements, ponctués de missions supplémentaires, aboutissant à cinq épilogues distincts !
Il semblerait que la décision de réduire la version internationale au contenu d’un CD au lieu de deux, ait été prise à la suite d’une coupe budgétaire (l’économie a dû être réalisée sur la traduction, plus que sur le coût de fabrication des CD). Je trouve l’initiative absurde, et révélatrice du peu d’intérêt qu’ils portaient au marché occidental.
J’ai découvert une deuxième chose : l’existence d’une traduction amateur en anglais. J’évoquais précédemment l’importance du contexte dans un jeu de ce style (bête et répétitif), je me suis donc réjoui de pouvoir revisiter ce titre dans sa version intégrale, et ainsi mettre à jour mon opinion. La critique qui suit s’attelle donc à la version japonaise traduite (dans le mode de difficulté « Hard »).
La présentation :
S’agissant du dernier titre de la série sur PlayStation, on peut dire que la technologie est maîtrisée. Il y a certainement plus de polygones à l’écran. Les missiles, comme les avions, laissent de jolies trainées de fumée. Enfin, les effets de reflet de la lumière du soleil simulent de manière convaincante l’éblouissement éprouvé par un pilote de chasse…
En revanche, où sont passés mes gros nuages cotonneux ? Ils ont substitué l’épais manteau nuageux, que je ne me lassais jamais de traverser à toute vitesse, par un vilain brouillard. Pourquoi ? Mais pourquoi diantre !
Un autre changement discutable, l’affichage tête haute (HUD en anglais) s’avère excessivement chargé. J’aurais voulu désactiver certains indicateurs, plutôt que « tout ou rien ». A-t-on réellement besoin d’un zigouigoui à côté du compteur de vitesse ou d’altitude ? A-t-on besoin d’un écusson « HUD » affiché en permanence, en haut à droite de l’écran ? Des fois qu’on oublierait si le HUD est actif… Et pourquoi la boussole nous est-elle placardée sur la figure, au centre de l’écran ? Elle gêne la visibilité tout en devenant illisible. C’est ballot !
Quant à la bande-son, tristement en deçà des jeux précédents. Ce n’est pas tant la musique, plutôt techno transe que guitare électrique (appropriée au contexte futuriste) que les effets sonores qui m’ont déçu. Par exemple, le lancement des missiles n’émet presque aucun bruit, tandis que la voix du copilote qui criait « Bingo ! » a été remplacée par celle d’un robot. Il en résulte une ambiance froide, au diapason d’un scénario pessimiste que j’évoquerai plus loin.
La maniabilité :
Détail appréciable : le mode expert est désormais sélectionné par défaut. Le jeu exploite également la manette vibrante dual shock. C’est particulièrement utile pour annoncer un risque de décrochage, à faible vitesse ou à haute altitude. Le stick droit permet de donner un tour de tête à 90 degrés dans n’importe quelle direction, où en cliquant dessus, d’observer ce qui se passe derrière soi.
Malheureusement, ces améliorations sont assorties de défauts notoires, tels que la sensation d’inertie, beaucoup plus prononcée que dans Ace Combat 2. Vous le constaterez au premier looping à basse altitude, quand vous n’arriverez pas à redresser ! Les commandes sont globalement plus rigides. J’ignore si cela vient d’un défaut de programmation ou d’une volonté de réalisme, mais déplacer le stick analogique en diagonale produit un effet inattendu (impossible de commander le tangage et le roulis simultanément). C’est désagréable, cela rend l’évitement des missiles plus hasardeux, et accessoirement, il devient presque impossible de réaliser des cascades entre les piliers d’un pont suspendu, faute de pouvoir redresser et tourner en même temps. Je ne parle même pas de viser une cible en mouvement avec la mitrailleuse, pour ceux qui s’en serviraient encore…
Je peste aussi, régulièrement, contre ce changement automatique de cible active, lorsque je me trouve entouré d’ennemis. Je me donne la peine de manœuvrer pour me placer derrière ma proie, et au moment où je m’apprête à l’aligner, l’ordinateur m’attribue arbitrairement un autre avion, en dehors de mon champ de vision. C’est très agaçant !
Par ailleurs, les missiles guidés ont des trajectoires plus arquées et « attachent » mieux à leurs cibles (simulation de la navigation proportionnelle). En attaque, cette propriété s’atténue à mesure que la campagne progresse. À la fin, les ennemis acquièrent des capacités d’esquive invraisemblables, que je compense en leur livrant mes missiles par salves de six !
En défense, on se sent, pour la première fois, véritablement en danger lorsqu’une batterie antiaérienne nous verrouille. De même, on doit désormais tenir compte des avions alentour, situés derrière nous en particulier, avant d’engager une cible. Sur ce point, c’est un net progrès par rapport aux jeux précédents.
Enfin, notons un effort de diversification de l’arsenal, au moins en apparence. J’aime bien les bombes à larguer, avec précision, à l’aide d’un réticule. Toutes les autres armes me laissent une impression de gadgets inutiles, à l’image des missiles « MIRV », qui se fragmentent en multiples projectiles, qui tournoient dans tous les sens en dégageant de la fumée, mais qui ratent leur cible à chaque fois. Et si, par miracle, vous touchez, ils n’infligent presque pas de dégâts, de toute façon.
Tiens, ça me fait penser à un truc…
« Ignis ! »
« Fsshh… »
« Raté ! »
Les missions :
Le positif d’abord, j’aime cette forme d’interactivité, quand les objectifs évoluent sur le vif, percutés qu’ils sont par les développements scénaristiques. De plus, les décisions du joueur, lourdes de conséquences, se traduisent par des actions de jeu (suivre un personnage plutôt qu’un autre, tirer sur celui dont la tête ne nous revient pas…) plutôt qu’en cliquant dans un menu. Comment dit-on déjà ? Organique, ou diégétique ? hors norme ! je ne sais plus… C’est chouette.
Vient le gros point noir, selon moi : la majorité des missions nécessitent d’accomplir un objectif en temps limité, pour assurer une « bonne note ». C’est quelque chose que je déteste dans Mega Man Zero 2. Je n’éprouve plus de plaisir si je sais que la moindre imprécision se verra sanctionnée. J’ai assez de contraintes au boulot, laissez-moi jouer chez moi comme je l’entends !
Pourtant, dès lors que le jeu dispense une note (de « A » à « D »), je ne peux plus me contenter d’autre chose que la meilleure, quitte à recommencer cinquante fois, dans la crainte de louper une mission cachée ou l’acquisition d’un nouvel avion.
L’ennui, c’est que les conditions d’obtention d’un « A » sont rarement indiquées clairement. Dans le cas de la limite de temps, celle-ci est en général (pas toujours) affichée en toute fin de briefing (pendant moins d’une seconde, parfois, car dès que le briefing est terminé, vous êtes envoyé sèchement à l’écran de sélection de l’avion). Je me suis donc imposé de finir toutes les missions avec un « A », ce que je n’ai pas trouvé difficile, à deux ou trois exceptions près, vers la fin. J’ai souvenir d’une mission qui me demandait de descendre 12 chasseurs particulièrement évasifs en moins de 4 minutes, soit 20 secondes par tête. Mais si le douzième décide de me casser les pieds, de tournicoter sans s’arrêter, en évitant tous mes tirs, je me vois contraint de tout recommencer ! Cette pression du chrono, associée à mon obsession à décrocher des « A », ont irrémédiablement gâché mon expérience.
Si des efforts ont été fournis pour diversifier les missions, je les ai souvent perçus comme des sources de contraintes et d’agacement supplémentaires ; à l’instar de celle qui demande d’abattre des avions furtifs qui volent au-dessus de notre altitude maximale, ou celle où on largue des bombes antivirus sur des nanobidules (en temps limité, bien entendu), sans parler du duel final, dans une arène fermée, bas de plafond…
Le scénar :
Le futur est une corporatocratie (dystopique, va sans dire). Deux factions se font la guerre. Vous êtes un pilote engagé dans une institution de maintien de la paix, qui tente de s’interposer…
Voici le point d’orgue. Ace Combat 3 est unanimement salué comme le titre le plus ambitieux de toute la série sur le plan narratif. Étant un ignare, hermétique à la culture japonaise, je ne suis pas sûr de réussir à vous retranscrire la fascination exercée par l’œuvre.
L’histoire est exposée, 90 % du temps, par des bavardages creux entre des mini-portraits, et les 10 % restant, par des extraits de programmes télévisés fictifs, à mourir d’ennui. Étant donné qu’aucun personnage n’est proprement introduit, on doit commencer par se taper un lexique interminable pour comprendre qui est qui, et ce que la myriade de sigles veulent dire.
Les personnages, censés être des militaires en état de guerre, réagissent comme des midinettes hyperémotives et irrationnelles. Il y a des gentils neuneus, une foldingue mystique, un méchant qui vous assène des monologues inintelligibles (il est question de « kudeta », je crois), sans oublier la blonde de service (suivez-la, vous ne serez pas déçu). Et tout le monde trahit tout le monde, plusieurs fois ! Bref, un anime générique, un sous-Ghost in the Shell (du même studio d’animation, d’ailleurs). Je commence à comprendre la décision de Namco vis-à-vis du marché international…
Conclusion :
Porter aux nues un jeu pour son ambition scénaristique, sa quantité de dialogues et ses multiples fins, ce serait comparable à acclamer un film parce qu’il durerait 3 heures. L’écriture et la mise en scène comptent un peu aussi, non ?
En dépit de qualités techniques certaines, j’ai vraiment dû me forcer pour arriver au bout, cinq fois de suite ; débloquer et accomplir les 52 missions, visionner toutes les scènes cinématiques et lire tous les dialogues. C’est la preuve éclatante que « plus » ne veut pas dire « mieux ». Paradoxalement, j’en sors avec une plus mauvaise impression que lorsque j’avais terminé la version européenne, réduite à 36 missions linéaires et expurgée de ses lantiponnages échevelés.
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