« Here kitty kitty ! »

Dark Reign: The Future of War

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Développeur : AuranGraphismes :
Éditeur : ActivisionSons et musiques :
Année : 1997*Difficulté :
Genre : Stratégie en temps réelDurée de vie :
Nombre de joueurs : 1**Note : 6/10


(*) Une adaptation sur Xbox 360 est sortie en 2013 (Dark Reign Redux).
(**) Mode multijoueur en « escarmouche » jusqu’à 8.

Ce jeu a certainement un grand intérêt en multijoueur, mais je ne considère que la campagne solo. Pas le mode escarmouche, pas l’extension, pas les mods. Les images sont tirées de la version « actualisée », amateur et gratuite, comprenant les dernières mises à jour et extension, disponible sur www.darkreignws.com. Ne vous attendez pas à une refonte graphique, simplement une installation aisée sur les dernières itérations de Windows.

Je voulais écrire une page sur Command and Conquer (PC, 1995), mais il se trouve que mon crédo, ce sont les jeux « oubliés » (ou à la rigueur, ceux que j’essaie d’oublier, ça c’est fait…). Or, je suis tombé par hasard sur cette interview de Greg Lane, l’un des deux créateurs de Dark Reign, dont je n’avais jamais entendu parler auparavant, et me suis dit que ce serait plus intéressant de mettre en lumière ce jeu méconnu (de mon point de vue, au moins).

Le susdit sieur susurre sa sensation, s’agissant de C et C : cette disposition insouciante spécifique à certains soudards, susceptibles de se laisser sulfater incessamment, sans sourciller. Ainsi, cette aspiration semi-suicidaire insensée, suscita la substantielle sophistication endossée par ce sémillant spécimen, soucieux de surclasser son célèbre inspirateur. Rrrik Thfffu ! Excusez-moi, j’avais un truc sur la langue.

Pour faire simple, Dark Reign propose une forme élémentaire d’intelligence artificielle (que les troupes retournent les tirs, pour commencer, ou sachent employer des tactiques simples comme attaquer et se replier). Les différents réglages permettent de composer des « profils » pouvant être attribués par le joueur à chacune de ses unités, afin de leur conférer une part d’autonomie (défendre un endroit, poursuivre des ennemis proches, rentrer pour réparation si trop de dégâts subits, etc.). Une fonction permet également de programmer des patrouilles, en plaçant des points de passage sur la carte.

Visuellement, Dark Reign ressemble beaucoup à Command and Conquer, dont il reprend l’interface presque à l’identique, mais aussi, la manière de construire des bâtiments spécialisés pour former une base (centrales électriques, caserne, usine de véhicules…), la collecte et le rapatriement de ressources (l’eau, principalement), la constitution d’une armée (infanterie, chars, appareils volants), jusqu’aux missions d’infiltration en employant des unités spéciales (tireurs d’élite, saboteurs…), que je n’aimais déjà pas beaucoup dans le titre original, ni dans Alerte Rouge, soit dit en passant.

Une particularité : plutôt que de proposer deux campagnes distinctes, pour chacune des factions, vous êtes amené à répéter les mêmes missions, à la tête d’un camp, puis de l’autre, sans conséquence sur le dénouement de la bataille. Cela est justifié par le fait que les douze missions proposées sont des simulations, visant à tester vos compétences de commandant, avant d’être envoyé dans le passé, livrer la bataille ultime (pour de vrai, cette fois), et empêcher la destruction du monde (exposée par la scène d’introduction du jeu). L’ambiance n’égale pas Command and Conquer, cependant. L’histoire comme les briefings sont communiqués par des pages de texte, en lieu et place des séquences vidéo iconiques.

Techniquement, les changements sont significatifs, mais pas toujours positifs, d’après moi.

D’abord le bon ; je l’avais oublié, mais Command and Conquer ne permettait pas de lancer la production de plusieurs unités à l’avance. Il fallait cliquer sur le bouton, soldat par soldat, attendre que le premier sorte de la caserne pour entraîner un nouveau. Dark Reign introduit un système de file d’attente : je clique dix fois sur le bouton, et dix soldats seront entraînés, un par un. De la même manière, il est possible d’ordonner des déplacements successifs (en zigzag) en appuyant sur la touche « Tab ».

En revanche, je me suis peu servi des options d’automatisation (à l’exception du retour pour réparation). Je ne ressentais pas le bénéfice à remplacer le micromanagement des unités par la manipulation de touches planquées dans les multiples onglets d’une interface surchargée. Et puis, les quelques fois où j’ai laissé une ligne de défense sans surveillance, en donnant l’ordre à mes zouaves de riposter, je n’ai retrouvé, deux minutes plus tard, que des cratères et de la fumée…

Dans Command and Conquer, mes chars et mes soldats demeuraient là où je les plaçais. Ce qui pouvait leur arriver dépendait de moi. Je me sentais responsable de mes erreurs. Dans Dark Reign, j’étais constamment confronté à des problèmes d’unités errantes, pas toujours explicables, et accentués par les multiples paramètres d’autonomie. Je ne doute pas que mon incompétence soit la cause première, mais cela explique mon ressenti négatif, l’impression que mes propres unités jouent contre moi, alors que le jeu est déjà suffisamment difficile comme cela.

Concernant le pathfinding, Command and Conquer était tristement réputé pour ces situations où des unités en queue de cortège, traversant un passage étroit, quittaient la route, longeaient un relief dans une autre direction, et finissaient encerclées en territoire ennemi. Le phénomène aurait été atténué dans Dark Reign, moins en vertu d’une habileté de programmation qu’à cette faculté donnée aux tanks de traverser la matière (quand ils veulent bien)… À vrai dire, la seule innovation que j’ai ressentie dans ce domaine, c’est l’aptitude de mes chars pour se ranger proprement en ligne, devant le centre de réparation. Agréable surprise, après les déboires subits dans Warzone 2100 Project.

Reste la nouveauté dont je me serais bien passé : la prise en compte du type de terrain (certains véhicules sont fortement ralentis par la boue, d’autres sont submersibles…), et du champ de vision variable suivant l’élévation (le brouillard de guerre ne se dissipera pas si vous vous trouvez au pied d’une falaise, par exemple). En pratique, la géographie peu lisible apporte beaucoup de confusion et exacerbe les lacunes de l’intelligence artificielle. Le cas typique, c’est la tour de garde, que j’ai construite en haut d’une colline pour lui offrir une vue dégagée, qui se fait seringuer par un char à proximité, sans moufter. Cette image provient de la sinistre mission 8…

Globalement, j’ai trouvé la campagne difficile, notamment côté rebelles, parce que les options « de finesse » me sont passées au-dessus de la tête. Les unités tirent et meurent particulièrement vite. Même les chars lourds paraissent très fragiles. De plus, l’ennemi se montre agressif et imprévisible, et il a tendance à contre-attaquer dès qu’on déplace des troupes. Dans un sens, tant mieux. Je tolère assez bien la difficulté, en temps normal. Alors, où est le problème ?

Eh bien, j’ai brutalement jeté l’éponge au milieu de la mission 8, qui concentre tous les désagréments que j’ai pu rencontrer sur ce jeu. J’ai réussi à l’accomplir dans le camp des rebelles, péniblement ; mais au service de l’Empire, j’ai réalisé que la coupe était pleine, et que ce serait une meilleure idée de réinstaller Command and Conquer, finalement.

  • Le fonctionnement des unités spéciales est mal expliqué (manuel à l’appui). Le « transport de phase », par exemple, refusait d’avancer en émettant un bourdonnement mystérieux. Je me suis battu avec pendant une demi-heure avant d’obtenir enfin le comportement voulu (qu’il transporte les cinq unités à son bord, d’un bout à l’autre de la carte). Je n’ai toujours pas compris la raison de son immobilisation initiale (un bug ?).
  • J’ai retrouvé deux collecteurs de ressources à l’arrêt, face à face, sur le chemin entre la nappe d’eau et ma base. Ils avaient pourtant la place de se contourner. Je m’en suis bien sûr rendu compte une fois mes crédits épuisés, après que ma base eut été envahie.
  • Je me suis énervé pendant un long moment devant le système de « trajet » programmable, pour tenter (vainement) d’expliquer à mon collecteur qu’entreprendre un tour du globe dans la direction de la base ennemie n’était pas le chemin optimal. Quand j’ai enfin réussi à lui faire suivre mon itinéraire, le collecteur n’a plus voulu décharger sa cargaison.
  • J’ai été impressionné par la technologie supérieure déployée par l’ennemi (la tourelle à neutrons et l’artillerie), qui décimait mes groupes d’assaut. Lorsque j’ai changé de camp, j’ai naturellement voulu essayer ces nouveaux joujoux. Quelle ne fut pas ma déception de voir la puissante tourelle, sitôt en ma possession, défaite par trois bidasses et un Solex  !

Je ne peux pas m’enlever ce soupçon grandissant, et peut-être mal fondé, que les règles varient en fonction du côté où je me trouve. L’ennemi utilise des artilleries longue portée qui anéantissent mes bataillons en deux coups. Mais quand je rejoue la même mission dans le camp d’en face, les mêmes artilleries ne semblent infliger qu’une fraction des dégâts à mes ennemis. Même chose pour les tours de garde. Celles de l’adversaire tirent toujours les premières à l’approche de mes chars et les détruisent avec facilité. Je ne crois pas avoir observé la réciproque…

Indépendamment de la difficulté, je n’ai pas eu l’impression de contrôler entièrement mes unités, ni de pouvoir prédire leur comportement, encore moins l’issue des engagements. Si je ne m’abuse, M. Lane, cela contredit votre précepte.

Il peut être utile de préciser que je n’ai trouvé aucune critique confirmant mes dires, sur le Net. Tous les avis sont dithyrambiques, et semblent confirmer que le problème se situerait plutôt entre ma chaise et mon clavier…

Pour conclure, Dark Reign se distingue trop peu des innombrables clones de Command and Conquer, sortis à la fin des années 90, pour le recommander (à d’autres que des nostalgiques). Mais pouvait-il en être autrement dans un genre si concurrentiel ? Je lui fais une injustice en le testant en 2024. Son principal point fort résidait dans son éditeur de cartes et de scénarios, qui apportait une véritable plus-value, en 1997. C’est malheureusement l’aspect le plus obsolète aujourd’hui.

Au moment de sa sortie, il faisait figure d’incontournable pour tout amateur du genre, ayant terminé Alerte Rouge (1996). Il a été en avance sur son temps, pendant environ une semaine, avant la publication de Total Annihilation (puis de Starcraft, six mois après). Pas de bol  !

Dark Reign aura tout de même rencontré un joli succès, toute proportion gardée (loin de faire de l’ombre à Alerte Rouge). En revanche, sa suite en 3D, développée par un autre studio et sortie en 2000, fut un échec commercial et critique.

Il existe bien d’autres jeux de stratégie en temps réel oubliés (pense-bête pour moi) : Z (1996), Krush Kill ‘n’ Destroy (1997), Dark Colony (1997), Earth 2140 (1997), Grey Goo (2015).

Dark Reign Dark Reign Dark Reign Dark Reign

Dans les options graphiques, cochez « maintain aspect ratio » et « integer scaling ». J’ai oublié le deuxième et cela m’a forcé à refaire toutes les captures d’écran.

Où le télécharger ?
www.darkreignws.com (gratuit, mais légalité douteuse)
GoG (payant, assurément légal)