« Vous êtes vraiment nul ! »

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Développeur : The Bitmap BrothersGraphismes :
Éditeur : Virgin Interactive EntertainmentSons et musiques :
Année : 1996*Difficulté :
Genre : Stratégie en temps réelDurée de vie :
Nombre de joueurs : 1**Note : 6/10


(*) Une adaptation sur PlayStation est sortie en 1997.
(**) Mode multijoueur en « escarmouche » jusqu’à 4.

Chaque fois que j’examine un jeu de stratégie en temps réel, j’évite soigneusement le multijoueur, par peur d’essuyer une raclée. Je pensais me mettre à l’abri, face à l’ordinateur, mais Z simule remarquablement l’humiliation ressentie contre des joueurs humains entraînés, jusqu’aux railleries en vocal…

À l’origine, ce jeu devait sortir sur Amiga (ordinateur sur lequel le studio a bâti sa réputation), mais alors que le marché périclitait, ils ont choisi de se « reconvertir » sur PC (cela explique en partie la durée de développement prolongée, de presque cinq ans). Reste que les anciens possesseurs d’Amiga reconnaîtront sans peine le style carré et métallique des Bitmap Brothers, et pas seulement visuel. La lenteur des unités et le temps de réaction des commandes m’ont donné l’impression de diriger un Megazord !

Ce jeu est sorti peu après Command and Conquer et lui ressemble. Pourtant, les deux jeux n’ont pas grand-chose à voir. Je décrirais Z comme un jeu de stratégie pure (ou de tactique pure ?). Ce n’est pas pour dire qu’il va vous faire un nœud au cerveau, mais il n’y a pas d’autres constituantes. Pas d’exploration, pas de création de bases, pas de collecte de ressources. Droit au but, comme un jeu d’arcade.

Deux armées de robots humanoïdes s’opposent, les rouges contre les bleus (pas pu m’empêcher). Vous disposez au départ d’un fort et de quelques troupes initiales. Sur la carte figurent des points stratégiques à capturer (en particulier des usines, qui génèrent des troupes supplémentaires automatiquement). Le but du jeu est de détruire le fort ennemi, ce qui nécessite d’accumuler un nombre suffisant de soldats et de chars, qui dépend directement de la taille du territoire sous votre contrôle.

Je me suis demandé si Z était le premier jeu vidéo fondé sur la capture et la défense de points stratégiques. Ma première expérience lui était largement postérieure. Il s’agissait du mode « Domination » d’Unreal Tournament (1999). Plus tard (en 2005), j’ai arpenté les champs de bataille de World of Warcraft (Bassin d’Arathi et Vallée d’Altérac). On pourrait citer d’autres exemples tardifs, tels que Warhammer 40 000: Dawn of War (2004) ou Company of Heroes (2006). Aujourd’hui, le concept s’apparenterait à une arène de bataille en ligne multijoueur (plus connu sous l’acronyme anglais MOBA : Multiplayer Online Battle Arena), popularisé par DotA en 2013.

J’ai finalement trouvé ma réponse. Le premier représentant du genre s’appelait Herzog Zwei (Mega Drive, 1989/1990), la suite d’Herzog (MSX2, 1988), qui lui, est considéré comme le premier jeu de stratégie en temps réel. Comme j’aime les tangentes anachroniques…

Un autre truc que j’aime bien, c’est l’humour déjanté, dans Z. L’intro fait penser à La Folle histoire de l’espace, le commandant Zod rappelle évidemment l’instructeur de Full Metal Jacket, et les scènes en images de synthèses, typiques de l’époque, semblent inspirées de Worms (version PC, 1995).

Même en phase de jeu, il y a des petites animations de cartoons similaires à Cannon Fodder : des créatures sauvages, des explosions spectaculaires qui projettent des morceaux dans les airs, sans oublier la télétransmission vidéo avec vos soldats, qui réagissent à chacune de vos actions. La synchronisation « labiale » est particulièrement soignée. Et pareillement à Command and Conquer, une voix féminine dispense des informations en direct sur la bataille, à la différence qu’elle se moque ouvertement de vous lorsque vous perdez !

Toutes ces références suscitent une première impression forte. Malheureusement, le jeu n’évolue pratiquement pas. Les objectifs demeurent les mêmes, et l’on se rend compte que les scènes en image de synthèse, en tout petit nombre, sont choisies aléatoirement et rediffusées jusqu’à l’indigestion. Elles ne communiquent pas le même sentiment de progression que les briefings du cousin de Westwood, par exemple.

Et l’autre problème, en tout cas pour moi, est la difficulté implacable. La connaissance du terrain et la vitesse de réaction sont prépondérantes. Vous devez vous ruer sur les drapeaux (qui matérialisent les structures à capturer), dès le départ ; étendre votre territoire le plus vite possible, sans trop étirer vos forces. Les premières secondes de la mission déterminent quel camp occupera le plus de secteurs, et produira le plus d’unités. À partir de là, un microavantage s’accentue rapidement, et il devient presque impossible pour le camp en infériorité de renverser le cours de la bataille. Vous serez amené à recommencer la mission inlassablement (« Ctrl + R »).

Cette frustration est quelque peu compensée par la brièveté des missions (5 à 10 minutes). Je me suis senti très fier quand j’ai accompli le niveau 1, à ma quatrième tentative… Il m’a tout de même semblé curieux que le jeu nous interdise d’examiner librement le terrain au démarrage, en mode pause. Il est inévitable de perdre au moins une fois, à chaque nouvelle carte, le temps de repérer les points à capturer. Exercice peu stratégique, à mon avis, en tout cas, opposé à l’ordinateur.

J’ai également trouvé bizarre que le jeu ne nous laisse pas sauvegarder entre les missions, ou ne livre pas de mots de passe. Mais il est possible d’accéder à la mission en cours (ainsi qu’aux précédentes), depuis le menu principal (option « rejouer niveau »). Il est également permis de sauvegarder en cours de mission, sur plusieurs emplacements (solution honteuse, mais sans laquelle je n’aurais pas caressé le moindre espoir de progresser).

Comme je l’ai indiqué plus haut, le contrôle paraît un peu rigide. Vous ordonnez les déplacements dans une direction générale et vos bidasses se mettent en marche, à pas de tortue. Ils prennent l’initiative de tirer sur les ennemis proches, capturer des bâtiments ou des véhicules, ramasser des grenades (pour faire sauter les murs), quand ils ne se bloquent pas tous seuls dans le décor… En outre, le choix vous revient, en cliquant sur vos usines, du type d’unité à produire (les tanks lourds sont beaucoup plus durables que l’infanterie, mais requièrent plus de temps).

Avec l’expérience, quelques finesses se feront jour. Par exemple, il paraît que les bons joueurs sont capables de défaire un char au moyen d’une simple jeep, en visant le conducteur, quand il sort sa tête. Vous pouvez ainsi récupérer les véhicules ennemis « abandonnés » et les attribuer à différents types d’infanterie, ce qui modifie leur comportement ou leurs statistiques. Les autres tactiques usuelles consistent à employer l’unité adéquate pour neutraliser telle ou telle garnison ennemie ; savoir quand reculer pour préserver ses forces, avant de mener une contre-attaque ; ou encore, créer des diversions, tendre des embuscades aux unités ennemies isolées, de préférence les plus chères à reconstruire (guerre d’usure).

En conclusion, je trouve le jeu réussi, dans son style, bien que ce ne soit pas le mien. Je suis bien trop lent et hésitant, et donc plutôt client des jeux plus scénarisés et conciliants, qui nous laissent organiser une base à notre rythme. Néanmoins, son concept simple mais bien réglé (et plus technique qu’il n’y paraît) a moins vieilli que celui de Command and Conquer. C’est un titre clairement pensé pour y jouer entre amis. Relativisez donc ma note, qui porte seulement sur le mode un joueur.

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Les anecdotes de Guiguitte… euh pardon, mauvais site.

  • Une autre raison pour laquelle le jeu a mis près de cinq ans à sortir : le chef programmeur, Steve Tall, s’est fait débaucher en plein développement, par le studio rival, Westwood, pour participer à la réalisation de Command and Conquer. D’autre part, j’ai lu que Virgin Interactive avait insisté pour incorporer des scènes en 3D afin de justifier le support CD, ce qui a allongé la période de production de plusieurs mois.
  • Dans un registre plus sinistre, Z aurait rencontré un succès notable en Russie. Je me demande bien pourquoi, cette dictature arriérée, au fétichisme malsain pour la 26e lettre de l’alphabet et au penchant pour la mise en orbite de tourelles de chars… Oh, d’accord.

La version d’Abandonware-France « automatique » fonctionne parfaitement chez moi (en 2024, sur Windows 11). Il y a aussi une version Windows 95, agrémentée de cartes supplémentaires et d’un éditeur de niveaux, ainsi que d’un curseur de difficulté et de vitesse de jeu, que je n’ai pas testée.

Un remaster est disponible sur Steam et GoG, mais il n’a pas bonne presse (pas de multijoueur, apparemment). Si vous voulez l’acheter quand même, sachez qu’il est régulièrement soldé à 90 % (moins d’un euros). Vous avez également un remake amateur, conçu pour le multijoueur, que je n’ai pas essayé non plus : Zod Engine.

Enfin, une suite en 3D existe, Z: Steel Soldiers (PC, 2001). Elle n’a pas rencontré le même succès que le premier.

Où le télécharger ?
Abandonware-France (version PC en français)
GoG
Steam