En rejouant à Virtual Hydlide, je me suis rendu compte des remarquables similitudes avec Shining the Holy Ark : les petites fées, les arbres et coffres mangeurs d’hommes, l’inévitable course en chariot dans une mine, les mêmes donjons stéréotypés (cimetière, catacombes, manoir hanté, et la tour mystique syndicale à la fin). De plus, ces deux titres « s’appuient » éhontément sur un modèle, originaire d’une précédente génération de consoles. Il semblerait que les tendances au recyclage et à la standardisation dans le jeu vidéo ne datent pas d’hier !
Savez-vous qui d’autre fait partie du club ? Dark Savior !
Le titre duquel Shining the Holy Ark puise son « inspiration » s’appelle Shining in the Darkness (Mega Drive, 1991), un jeu de rôle en vue subjective, semblable à Dungeon Master, à la différence que les combats se déclenchent aléatoirement et sont conduits au tour par tour. C’est ce jeu qui a introduit la série Shining, connue principalement pour Shining Force 1 à 3, des jeux de rôle tactiques vus de dessus.
J’ai déjà indiqué que je manquais de patience à l’égard les jeux de rôle japonais. Shining the Holy Ark m’avait intrigué par sa présentation, et m’aura, contre toute attente, laissé un souvenir favorable, certainement en raison de sa brièveté. J’admets que ça ne ressemble pas à un compliment, mais je lui accorde de bonne foi, en me remémorant avec angoisse ma tentative malheureuse de terminer Albert Odyssey (Saturn, 1996). Lui, aura droit à sa propre page, un jour, quand j’aurai reçu ma commande de Prozac…
Le graphisme de Shining the Holy Ark me paraît assez unique. Les villageois ressemblent à des Playmobils. J’ai l’impression qu’ils ont pré-rendu des modèles en 3D, leur donnant cet aspect lisse, qui renvoie la lumière, avant de les animer en 2D. L’animation des monstres est particulièrement réussie.
Un autre compliment ? L’ergonomie est excellente. L’interface est tellement propre ! C’est sûrement plus facile, me direz-vous, quand celle-ci est calquée sur un jeu antérieur. (J’en connais un qui s’est vautré malgré tout, mais je me retiens…)
Par exemple, j’aime, quand j’achète une pièce d’équipement chez le marchand, qu’il me propose de l’équiper, puis de vendre l’objet remplacé. Et en plus d’être prévenants, les marchands se montrent généreux lors du rachat de nos vieilles armures, à 75 % du prix !
Dans le même genre de « fonctionnalités de confort », les inventaires (et les sorts de soins) de tous vos personnages (y compris ceux « en réserve ») demeurent accessibles en dehors des combats. Vous pouvez même modifier la composition du groupe quand vous voulez, sans avoir à revenir au village.
J’ai l’habitude de dire que la forme ne suffit pas pour réaliser un bon jeu. Mais si le jeu a la bonté de ne pas me casser les pieds, c’est un plus, qui exacerbe mon indulgence. À l’opposé, j’ai souvenir d’un titre récent qui me forçait à suivre un tortueux protocole, chaque fois que je voulais récupérer un objet dans le sac d’un compagnon extérieur à mon groupe actif. (Et puis zut, je ne peux plus me retenir…)
Ça ressemblait à : sortir du donjon et retourner au camp, parler à Astarion, demander à Astarion de quitter le groupe, sauter la scène cinématique, lui dire que je suis sûr, parler à Wyll, lui demander de joindre le groupe, sauter la scène cinématique, perdre cinq minutes à retrouver l’objet dans le sac de Wyll, choper l’objet, parler à Wyll, lui demander de quitter le groupe, sauter la scène cinématique, lui dire que je suis sûr, parler à Astarion, lui demander de rejoindre le groupe, sauter la scène cinématique, perdre encore cinq minutes à retrouver l’objet dans mon inventaire, donner l’objet à Astarion, passer encore cinq minutes à retrouver l’objet dans l’inventaire d’Astarion, équiper l’objet, retourner dans le donjon, oublier de sauvegarder… C’était quoi déjà ? Ah oui, le jeu de l’année 2023. LOL ! Pardon, je me laisse aller…
L’histoire de Shining the Holy Ark est à coucher dehors. Je ne vais pas me fatiguer à la résumer. Les personnages n’ont aucune épaisseur ni aucun sens de la logique (non Madame ! mais ce n’est pas la peine de me réexpliquer). J’ai évoqué le syndrome « Varic le nain », dans la page de Dragon Age: Inquisition, le protagoniste de nanar qui médite sur sa stupidité.
Je me suis amusé du fait que le jeu me demandait occasionnellement mon avis. Répondre par oui ou par non. Mon choix n’avait bien entendu aucune conséquence. Par exemple, le passage où le chien-ninja anthropomorphe s’invite de force dans mon groupe, après que je l’ai rembarré trois fois !
Au moins, le scénario et les dialogues ne s’imposent pas. Je peux les ignorer pour explorer des donjons. Ils ne sont pas d’une complexité folle, et la carte automatique trivialise un peu trop l’exercice à mon goût.
Restent les combats aléatoires, affreusement répétitifs, mais tolérables, à la faveur de cette présentation dynamique et de cette bande-son (laquelle se répète aussi, je dois avouer). Leur fréquence est toute même agaçante, par moments. Il m’est arrivé de sortir d’un combat pour en essuyer un nouveau, après un déplacement d’une seule « case ». Au moins, le désagrément est compensé par l’attribution de précieux points d’expérience, conduisant mes personnages à monter en niveaux et à renforcer leurs statistiques, pratiquement sans limite.
Ce grand penseur avait parfaitement formulé l’idée :
J’ai lu que le jeu était réputé difficile. Pas pour moi, qui suis doué d’une telle incompétence pour m’orienter ou résoudre une « énigme » (du genre : la porte ne veut pas s’ouvrir, défoncer la porte), qu’après des heures à tourner en rond, je me retrouvais plusieurs niveaux au-dessus de celui attendu…
Je conçois qu’il y a quelque chose de cathartique à regarder des chiffres augmenter. C’est le genre de jeu contemplatif qui ne demande qu’une fraction de mon attention. Le titre idéal pour m’occuper pendant qu’un artisan scie du carrelage dans ma salle de bains. Oui, moi je teste les jeux en conditions extrêmes !
Alors, il y a tout de même ce mini-jeu, avec les petites fées (à collectionner), classées en différents types, qu’il convient de lâcher en ouverture du combat selon la direction d’où survient l’ennemi, et qui demande au joueur un minimum de concentration. Il s’agit d’appuyer sur la bonne touche, dans les premières secondes de la bataille, et en cas de succès, l’ennemi subira des dégâts, et vous, gagnerez davantage de pièces d’or et d’expérience. C’est une trouvaille intéressante qui fait illusion quelques heures. J’ai tout de même fini par m’ennuyer.
Sans rire, j’ai dû passer, au bas mot, 90 % des combats en laissant appuyé sur un bouton. La seule contrainte revient à faire l’effort de soigner tout le monde, entre les combats.
Si je résume, c’est un jeu qui récompense le lambinage, l’autodiscipline et l’appétence pour les chiffres. Un jeu destiné aux comptables qui font des travaux dans leur salle de bains. Rarement me serai-je senti si proche du cœur de clientèle !
Mentions spéciales aux bonnes idées, scandaleusement sous-exploitées :
la fabrication d’équipement chez le forgeron (mal expliquée et aléatoire)
l’option « réparation d’objets » chez le marchand (jamais utilisée, pas une seule fois !)
la promotion de classe au niveau 20 (à part changer la couleur de l’habit du personnage ?)
les diverses mécaniques introduites dans les donjons, puis abandonnées trop vite
la douzaine d’animations d’attaques critiques, pour chaque personnage
les sorts de statut (endormissement, illusion…) qui ne servent strictement à rien
Et deux-trois reproches pour terminer. Bon, quatre :
Il est impossible de trouver toutes les petites fées, cachées un peu partout, sans une solution. Quelques-unes sont dissimulées au milieu d’un couloir ; d’autres nécessitent de « pousser » un mur au lieu de « l’examiner », sans aucun indice permettant de le deviner. Amusez-vous bien à « pousser » et à « examiner » chaque mètre carré, dans les quatre directions.
Les héros supplémentaires qui rejoignent le groupe (portant leur effectif total à huit) sont redondants (ils ont des rôles et des sorts similaires). Et comme les points d’expérience sont partagés entre tous les membres du groupe, y compris ceux qui ne jouent pas, je n’ai aucune incitation à intégrer dans le groupe « actif », un nouveau venu, à la traîne de plusieurs niveaux par rapport aux autres, et qui le demeurera éternellement.
L’interface a beau être propre, j’aurais aimé voir une description des sorts, pendant les combats, et que l’on m’indique s’ils touchent une ou plusieurs cibles.
J’ai rencontré des bugs sonores, en fin de partie ; une note aléatoire qui reste active, en fond. Je pense que ça se produit quand on achève un ennemi avec un coup critique. Cognez-vous à un mur pour que ça s’arrête.