C’était ma troisième mission pour le jarl de Blancherive. J’avais déjà nettoyé deux camps de bandits, distribuant l’acier d’une main, répandant le feu et la foudre de l’autre. Lydia n’était pas en reste ; son ardeur à assurer mes arrières me surprenait à chaque fois et je réalisais peu à peu les implications de mon récent titre de thane, à commencer par l’inébranlable loyauté de huscarl de Lydia à l’égard de son thane, fût-il couvert d’écailles plutôt que de poils.
Cette fois-ci, il s’agissait de régler son compte au géant du camp de l’arbre endormi. Après avoir occis des groupes entiers de brigands, la tâche ne me semblait pas un défi trop relevé. Alors que j’arrivai en vue du camp, Lydia sur mes talons, un rugissement étouffé me fit lever les yeux aux cieux. C’est alors que je vis une grande silhouette sombre tournoyant à quelque distance au-dessus d’une colline voisine. Un dragon ! Cette menace me semblant bien plus pressante que celle du géant, je contournai le camp de l’arbre endormi pour me précipiter vers le saurien volant. Deux gardes de Blancherive tentaient déjà de faire face du mieux qu’ils pouvaient, malgré leurs nombreuses blessures. Lydia décochait déjà sa première flèche alors que je me concentrai pour lancer un éclair enflammé. La bête se tourna vers nous et déversa des torrents de flammes par sa gueule béante. La voix de la douleur, bien qu’atténuée par les enchantements de mon armure, résonnait dans ma tête, mais l’excitation du combat la rendait presque muette. Alors que le dragon se posait près de nous pour déchaîner ses griffes et ses crocs immenses, je sortis ma masse, apercevant du coin de l’œil mon huscarl se précipiter sur le monstre, brandissant sa hache. Le combat fut âpre, obligeant le dragon à reprendre les airs et son souffle, par la même occasion. J’eus la présence d’esprit de sortir de précieuses potions de soin de ma ceinture, alors que les autres combattants faisaient pleuvoir des flèches vers le ciel. Le manège se poursuivit de longues minutes, avant que le dragon ne se pose à nouveau. Il ne devait plus jamais reprendre son envol. Au prix d’une grande quantité de sueur et de sang, nous réussîmes finalement à faire chuter le monstre. Alors que nous reprenions nos esprits, je sentis son énergie affluer en moi, bête autrefois majestueuse se réduisant sous nos yeux à un tas d’ossements. Ce n’était pas la première fois que cela m’arrivait, mais mes pouvoirs d’enfant de dragon me surprenaient toujours.
Fort de cette victoire, je décidai de revenir au camp de l’arbre endormi, tout proche. Le géant revenait paisiblement vers le camp, accompagné de deux mammouths placides. J’avais presque de la peine d’attaquer ces êtres si tranquilles, mais le jarl avait besoin de voir le géant disparaître. Ma première flèche prit complètement de court le géant, qui ne m’avait pas vu approcher à pas de loups. J’eus le temps d’en décocher deux autres avant qu’il n’arrive sur moi, son petit troupeau sur ses traces. Lydia s’élançait sur l’un des mammouths lorsque j’abattis ma masse sur le genou du géant. Il souffrait. Il hurlait de rage. Je pus encore lui asséner plusieurs coups avant que son tibia, dans un arc disgracieux, vient enfoncer tout le côté gauche de mon armure. Pendant que Lydia se faisait piétiner par deux mammouths en fureur, j’entendis mes côtes craquer dans un bruit horrible alors que mes poumons se vidèrent entièrement en une fraction de seconde. La violence du choc m’avait privé de toute sensation, et je fus surpris de voir le géant s’éloigner rapidement de moi, alors qu’il semblait presque immobile. Mon vol ne devait probablement pas être aussi gracieux que celui du dragon que nous avions occis, mais je pense avoir atteint la même altitude. Ce n’est qu’en amorçant la descente que je aperçus l’entrée de la grotte à une extrémité du camp, devinant au fond une haute silhouette. C’est à ce moment-là que je me rendis compte que je n’avais pas attaqué la bonne cible, et que le géant de la grotte était probablement seul, sans mastodonte pour le défendre…