La Légion Sauvage — Chapitre 2 — Contact(par « Zumo » le 28/10/2005)

Le vent fouettait le long manteau qui couvrait mes épaules, je regardais avec soulagement le port de l’Île de Theramore se profiler à l’horizon. Le voyage fut un véritable calvaire pour un citadin comme moi. Les marins se moquaient joyeusement des gargouillis significatifs qui agrémentaient mes argumentations lors des longues discussions que nous entretenions sur le pont.

La première partie du voyage fut pourtant tout à fait tranquille, nous avions soigneusement évité d’embarquer à Booty Bay, le seigneur Themo ayant une confiance plus que limitée dans les serments de silence des Gobelins.
Nous avions longé les côtes jusqu’au port de Menethil, une petite halte de ravitaillement dans la grandiose citée naine d’Ironforge m’avait permis d’observer le gigantisme des œuvres naines… Tout un paradoxe pour ce peuple plus large que haut.

La troupe s’était enrichie de quelques guerriers nains fort valeureux. Quoique leur valeur dans les tavernes de nos escales fut la seule que pu observer lors de notre voyage. Les quelques altercations avec les Ocs Blackrock ne furent qu’anecdotique… Nos éclaireurs avaient pris grand soin de nous faire éviter les points chauds du territoire.

Le voyage en bateau touchait maintenant à sa fin. Sur les 200 navires affrétés par le seigneur Themo nous n’en perdîmes que quatre… dont deux à cause d’une énorme erreur de navigation d’un de nos capitaines nains. J’ai toujours su que des êtres qui ne dépassaient pas la barre de navigation ne pouvaient conduire une flotte à destination.
À peine fûmes nous amarrés au port de Theramore que l’intendant du fort nous accueillis à grand renfort de courbettes et de trompettes. Comme si les espions Orques avaient besoins de plus de preuves de notre arrivée.
Les quelque 5 000 hommes, nains et gnomes qui composaient notre troupe hétéroclite commençaient à entasser les différentes caisses de ravitaillement aux portes de la ville, certains d’entre eux, les plus expérimentés, commençaient déjà à affûter les armes.
Tandis que tout ce petit monde s’évertuait à préparer le long voyage qui nous mènerait vers les Tarrides je fus convoqué pour transporter les armes de mon seigneur dans le fort.

En traversant la petite communauté je fus surpris de constater que nombres de soldat avaient l’œil vitreux, fatigué, de nombreux bandages couvraient leur bras ou leur crâne. La Guerre avait donc bien commencé et elle ne semblait pas prête de se terminer.

Le conseil de guerre était composé du seigneur Themo, son conseiller financier Reihnard, le capitaine des Paladins Deros et Ulrak le nain en charge de remplacer l’intendant de la mine des Tarrides du sud.
Le seigneur Themo penché depuis plus de deux heures sur le rapport des éclaireurs prit soudainement la parole en fermant le registre.

— Bien Bien, je crois que nous ne devons plus hésiter. Nous devons frapper vite et fort ! Les Orques doivent comprendre qu’on ne défie pas l’alliance impunément.
— Permettez-moi d’émettre quelques réserves monseigneur.
— Je vous en prie Lord Deros…
— Nous venons juste de débarquer et nos hommes ne sont pas encore tout à fait remis de notre traversée.

Le regard qu’il glissa à mon attention alors que je rédigeais le compte rendu me parut un tantinet exagéré. Nombre de ses propres Paladins avaient rendu leur déjeuner bien plus souvent que moi dans ce voyage. Il reprit cependant.
— De plus, nous sommes sur le territoire de la Horde, nous ne savons pas si ces attaques sont l’œuvre d’une faction isolée ou si tout Kalimdor s’est soulevé contre notre sainte autorité.
— Heu… ne sommes nous pas censé être leurs alliés et non pas leurs maîtres ?
— Quelle différence cela fait-il ? Vous croyez sincèrement qu’on pactise avec des bêtes ? Ne soyez pas idéaliste Ulrak.
— Grumpf… j’espère que vous ne voyez pas notre alliance du même œil
— Allons, allons messires, restons courtois et civilisé, ce n’est pas parce que nous sommes sur une terre barbare que nous devons nous comporter comme telle. — Nous pourrions nous servir de cette pseudo-alliance tant qu’elle n’est pas ouvertement rompue pour étudier nos adversaires.

La voix nasillarde de Reihnard avait cette propension quasi unique à personnifier la traîtrise et le vice. Peu bavard ce fils de paysan avait su tirer son épingle du jeu en commercialisant nombre de biens qui ne lui appartenaient pas forcément… Certains affirmaient même qu’il se fournissait directement dans les réserves Défias et de l’Aube Rouge. Des atouts qui avaient largement suffi à en faire un personnage incontournable de l’entourage du seigneur Themo.

— Et que proposez-vous Reihnard ?
— Envoyons une mission diplomatique… Cela nous fera gagner du temps et nous saurons exactement à qui nous avons à faire.
— Si il revient vivant…
— Voyons voyons Duros, nous sommes alliés, et rien ne vous empêche de détacher quelques-uns de vos paladins pour escorter ce messager.
— Trouvez déjà ce messager et je réfléchirais à son escorte plus tard.
Songeur, Sire Themo étudia toutes les possibilités.
— Hum… Un soldat serait mal vu et un membre de mon administration serait pris comme une insulte, les guerriers parlent aux guerriers. Il faudrait une personne qui soit proche de moi et qui à la fois ne puisse pas mettre en péril cette expédition.
— Je peux y aller !! hurla Ulrak.
— Désolé de vous contredire – répondit Reinhard – mais votre présence est plus que nécessaire… et je ne pense pas que la diplomatie naine soit apte à traiter avec ces monstres orcs.
— Vous me prenez pour un imbécile ?!
— Loin de moi cette idée messire, mais nous connaissons tous votre fierté et nous ne souhaitons pas que ces barbares Orques interprètent votre courage comme une insulte.
— Humpf… Je n’ai pas peur de ces monstres.
— De toutes les manières votre présence est requise à mes côtés, pour des affaires plus… personnelles.
— Et votre page ?
— QUOI ??!!

Je ne me rendis pas compte immédiatement que mon étonnement avait réussi à franchir le seuil de ma bouche. Mais le regard courroucé de mon seigneur et maître me fit l’effet d’une lame hivernale sur la nuque. Le regard ou léger sourire qui commença à poindre au coin de sa bouche. Qui sait ?
— Voyons Arthus, voilà une occasion inespérée d’accéder au rang de chevalier. Une occasion unique.
— En effet – ajouta Duros – Le page vous représente directement et son absence… heu… ne ralentira pas les préparatifs.
— Je… Je… Enfin… Mais je ne parle pas leur langage, et je ne sais même pas ce que je vais bien pouvoir leur raconter.

Voilà mes arguments, maintenant que j’y repense je n’ai vraiment pas raté ma vocation de… victime.

— Qu’importe !! Votre rôle sera uniquement d’observer les bêtes, vous n’aurez quasiment pas à parler, je rédigerais une lettre de bienséance. Cela les calmera pendant que nous nous préparerons à les massacrer… Et puis je vous rassure mon jeune ami, je ne souhaiterais pas perdre votre précieuse présence à mes côtés.
Et ça c’était censé me rassurer ?
— Ainsi soit il !! Arthus préparez-vous, enfilez votre belle armure flambant neuve et vous irez porter haut les couleurs de mon château.
— Une escorte est elle à envisager ? demanda Duros le Paladin ?
— Bien sûr !! Je vous répète que je ne compte pas me séparer d’Arthus, je vous charge Capitaine d’assurer sa sécurité.
— Bien je ne peux malheureusement vous attribuer que deux de mes paladins, futur Sire Arthus, mais ce sont de sacrées fines lames et le risque de cette mission reste bien faible… Vous agissez sous le couvert du bon respect de notre… Alliance.

Je m’attendais presque à entendre un rire démoniaque ponctuer cette dernière phrase, tellement cette nouvelle sonnait comme le glas de ma courte et misérable existence. Même l’éventualité de devenir chevalier me semblait bien maigre… Peut-être créeront-ils une cérémonie d’adoubement posthume… Mais avec quel corps ?

L’ouragan d’émotions qui ravageait mon cerveau n’était rien comparé à ce qui m’attendait par la suite. Je ne remarquai même pas que la réunion continuait tandis que je sortais de la salle du conseil.

La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre issue d’une expérience gnome. Un messager partait pour négocier la paix ou du moins une trêve. Nombre de mes camarades de tente m’aidèrent à préparer mon paquetage. Personne ne semblait avoir compris que la guerre était venue avec nous et qu’elle ne repartirait que repu du sang Orque et Tauren… ou du nôtre.
J’eus même le singulier honneur de me voir armé par un soldat vétéran, Hartock je crois qu’il s’appelait. Il me prêta même une épée bâtarde en acier luisant et une dague somptueuse dont le pommeau était orné d’un dragon rugissant.

— Un cadeau que j’ai obtenu lors d’une de mes campagnes contre les morts vivants. Elle m’a toujours porté chance et tu risques d’en avoir besoin sur le chemin. Les Orques ne sont pas les seuls dangers de cette contrée.
— Tu es déjà venu ici Hartock ?
— Oui une fois pour escorter un convoi de ravitaillement, à cette époque il s’agissait plus d’une mission de plaisance.
— Oui… le bon vieux temps…
— Voyons mon gars tu ne risques pas grand-chose, le drapeau blanc et ton escorte te garantisse un retour triomphal parmi nous.
— Et elles me garantissent d’arrêter les haches ennemies ?
— Ça mon garçon ce sera à toi de me le dire.

La vue des chevaliers en armures qui composaient mon escorte, mais aussi le magnifique hongre noir qui m’avait été attribué par mon maître me remontèrent le moral. Son nom était cependant moins glorieux que le magnifique plastron qui ornait sa poitrine.

— Tiens garçon, il s’appelle pâquerette, c’est le plus calme des chevaux que nous avons amenés.
— Pâquerette ?? Ça fait pas très chevalier tout ça.
— Tu n’es pas encore chevalier jeune impudent, et je te ferais remarquer que c’est le seul cheval à peu près chevauchable par un novice dans ton genre. Crois-tu que tomber de ta selle devant les ennemis fasse plus chevaleresque ?
— …

C’est donc armé comme un prince sur un cheval qui portait le nom d’une fleur que je me présentais devant le pont-levis de Theramore. Mon escorte était déjà prête et m’attendait depuis un sacré bout de temps à en juger par le regard courroucé de ces chevaliers.
À regarder de plus près, il n’avait de chevalier que l’armure et la monture. Mal rasés, le regard encore rouge de la nuit précédente ces hommes n’étaient pas le flambeau étincelant que chacun s’imagine lorsqu’on parle des Paladins.
J’appris que bien plus tard que Leroy et Silas étaient en fait de simples chevaliers qui avaient été appelés pour compléter la troupe d’élite du seigneur Thémo. De vertu il ne connaissait que la grâce d’achever leurs ennemis et de lumière… à vrai dire il n’avait rien de lumières à proprement parler.

J’eu la joie de voir mon voyage agrémenté de blagues scabreuses et d’histoires salaces dont chacun se vantait avec humeur et vanité. Je devais cependant leur reconnaître une certaine efficacité. Ce duo avait su montrer lors de notre voyage une certaine efficacité à combattre les bêtes et les ogres des marais.

Alors que nous campions de jour pour casser la graine, un ogre avait eu la mauvaise idée de tenter de nous impressionner en vue de nous dérober notre repas… Je ne sais pas si c’était la perspective de perdre leur tonneau de bière ou si c’était l’agacement face aux hurlements monstrueux de l’ogre, mais la réponse fut cinglante.
Leroy se dressa promptement avec une souplesse étonnante pour un homme en armure, il saisit sa lance et se planta devant l’ogre avec détermination. Pendant ce temps, Silas entama une ronde autour du monstre épée brandie et démarche féline.
La grande particularité des ogres est leur capacité à ne pas réfléchir et à ne pas sentir les pièges. Ainsi, même si les mouvements chaloupés de Silas l’agaçaient au plus haut point, c’était la pointe de la lance de Leroy qui l’attira en premier. Il se jeta avec lourdeur sur le chevalier qui d’un mouvement circulaire esquiva l’attaque. Lorsque l’ogre se retourna il se retrouvait déjà avec une blessure sanglante à l’arrière de la cuisse. Silas avait déjà repris sa ronde mortelle autour de la bête, comme si les mouvements de Leroy l’importaient peu. Le deuxième assaut fut plus soudain, mais au lieu d’esquiver Leroy avança d’un pas et vint ficher sa lance dans la hanche de l’ogre, ce dernier posa un genou à terre sous le coup et à ce moment-là, je vis Silas s’élever en l’air, dans le dos de sa victime, et planter son épée dans la nuque du monstre. C’est dans un gargouillis macabre et avec moult éclats de sang que le monstre s’affaissa à terre.

Pendant ce temps, je n’avais pas bougé d’un pouce. Épées à la main je me rendis compte que l’efficacité d’un guerrier vaut bien plus que ses titres et sa flamboyance. Et c’est avec une certaine fierté que je m’assis près d’eux pour terminer notre repas à même pas deux mètres de la dépouille sanglante de l’importun.

Le voyage se poursuivit sans plus d’incident que celui que je viens de vous relater, mes compagnons de route étaient sommes toutes peu bavards et le mépris qu’ils affichaient à mon égard ne m’encourageait pas à entamer la conversation. Nous arrivâmes à destination cinq jours plus tard. Le passage de la passe de Sken avait été un peu tendu et Silas nous ressassa ses nombreuses chansons paillardes pour détendre l’atmosphère. Mais je sentis tout de même une certaine tension s’emparer de mes camarades quand nous approchâmes du fort « allié ».

De lourdes palissades en bois scellés au sol par du goudron et surplombé de tourelles archaïques servaient de remparts. Les portes étaient closes.

— Nos petits amis ne vont pas tarder à sortir – chuchota Leroy.

Mais il ne regardait pas du bon côté, en effet, dressé sur sa selle, il scrutait la lisière de la forêt sombre qui bordait le nord du fort. Je restais interloqué par cette attitude. Il n’y avait rien, juste le vent qui soufflait sporadiquement entre les branches noueuses des arbres à demi mort.

— Annonce-nous auprès de ces messieurs, bonhomme, ils n’attendent que ça pour sortir.

Silas scrutait lui aussi la lisère de la forêt mais légèrement plus à l’Est de notre position, sa main pendait nonchalamment près de la garde de son épée.

— Je… heu… je vais pas parler dans le vide quand même ?!
— Ne t’inquiète pas p’tit gars, ils sont là.
— Heu… bon… d’accord.
— JE DEMANDE AUDIENCE AUPRÈS DU CHEF DE GUERRE AU NOM DE L’ALLIANCE DU MONT HYJAL !!

Rien, pas un bruit. De longues minutes s’écoulèrent, je me préparais à entamer ma seconde requête quand les portes commencèrent à grincer.

— Hum… Plutôt prudent les Hordeux.
— Moue, ils ont dû vérifier si nous n’avions pas quelques surprises en arrière.

Alors que je me retournais pour leur rappeler les quelques règles élémentaires de courtoisie je fus stupéfait de voir qu’à l’endroit où avant il n’y avait rien, de nombreux Orques, Taurens et Trolls se tenaient là, arme à la main. Je n’aurais su les compter. Ils attendaient impassible et armes au fourreau.
Un peu hésitant, je me convainquis tout de même que nous étions là en alliés et non pas en prisonnier. Je descendis de cheval et pris ma monture par la bride. Mes compagnons firent de même et nous marchâmes lentement vers ce fort qui sonnera notre perte à tous…

À suivre…