Tout a commencé en Désolace, avec la rencontre d’un pauvre centaure exclu par les siens. Celui-ci souhaitait s’approprier une gemme de pouvoir ou une babiole de ce genre, détenue par un prophète ou un autre illuminé de sa tribu. Je ne sais plus trop quel usage il voulait en faire, prendre le contrôle des tribus de centaures, dominer le monde ou s’en faire une boucle de ceinture… Toujours est-il que son exclusion me toucha, et que j’acceptai de lui rapporter la gemme, ce qui me conduisit en Maraudon. En chemin, je rencontrai un groupe d’aventuriers qui s’y dirigeaient. Nous décidâmes d’unir nos forces pour mener à bien les différentes quêtes que chacun poursuivait. En discutant de nos objectifs respectifs, je compris que certains d’entre nous devaient s’occuper d’une princesse. Ah ! Voilà qui était intéressant ! Et autrement plus glamour que de s’emparer d’un vague caillou, fût-il chargé d’énergie magique ! Sauver une princesse ! Le cœur gonflé et le pas décidé, je suivis donc mes compagnons qui s’engouffraient dans les sombres cavernes de Maraudon.
Une odeur forte de bétail flottait dans l’air sec des grottes. Nous fûmes accueillis par des centaures belliqueux, peu enclins à laisser des étrangers pénétrer leur tanière. Mais ils ne nous retinrent guère, et leurs corps jalonnaient notre passage alors que nous nous enfoncions plus avant dans le réseau des galeries souterraines. Tout se déroula plutôt bien, malgré l’épisode où, emporté par ma fougue libérée au cours des précédents combats, je décochai une flèche sur un autre de ces nombreux hybrides, mi-homme mi-cheval. Malheureusement, je n’avais pas pris garde à son air assuré, à sa haute taille, pas plus qu’aux deux autres centaures qui l’accompagnaient. Il devait probablement faire partie de l’élite des guerriers de sa tribu, vu sa valeur au combat. Pourtant mes compagnons et moi-même sortîmes victorieux de cet âpre combat. Après quelques remontrances des membres de mon groupe quant à ma précipitation, nous continuâmes notre route. Celle-ci avait été longue, et je sentais déjà des regards gourmands se tourner vers mon fidèle Autruchon. Mais nous progressions toujours plus loin dans Maraudon. Nous rencontrâmes des sortes de gelées verdâtres et visqueuses s’approchant dangereusement de nous, et l’un de mes comparses, le plus expérimenté, nous conseilla vivement d’attaquer à distance. Ha ! Ça tombait bien, c’était ma spécialité, en tant que chasseur ! Cela dit, à force de reculer pour tenir l’ennemi à distance, et progressant au milieu de passerelles, de ponts et autres précipices… Je tombai stupidement au fond d’un ravin. Je remontai juste à temps pour voir mes compagnons achever la dernière bestiole… et s’approcher d’un air étrange de mon familier. Quand ils me virent arriver, ils s’arrêtèrent, mais glissèrent quelques allusions quant à la tendreté de la chair de mon compagnon animal. Peu rassuré, je continuai cependant à les suivre. Leurs sous-entendus se faisaient de plus en plus directs alors que je les voyais saliver en regardant mon Autruchon. Ces cannibales auraient peut-être tenté d’y goûter si l’entre eux n’avait crié à la princesse !
La princesse, enfin ! Nous allions pouvoir la délivrer des griffes de ces… de ces quoi d’ailleurs ? Mes rêveries furent interrompues par une odeur nauséabonde alors que nous approchions de gigantesques élémentaires. J’apercevais l’un d’entre eux au fond de la grotte, il semblait particulièrement hideux et puant. C’était probablement lui qui avait séquestré la princesse… Que je ne voyais d’ailleurs nulle part. Où avait-il pu séquestrer cette charmante, cette douce créature ? Mais les combats commençaient déjà. Le groupe avait lancé l’assaut sur l’ennemi le plus proche, alors que le deuxième s’approchait rapidement. Sans plus attendre, je décochai donc mes flèches sur l’adversaire, visant son énorme tête. Le combat fut rude, mais nous vînmes à bout des deux élémentaires. Ne restait plus que le dernier, le plus gros, avant d’atteindre la… princesse ? Alors que j’observais plus attentivement ce que j’avais d’abord pris pour un élémentaire obèse, je me rendis compte que cette créature présentait des attributs indéniablement féminins. Elle possédait néanmoins une tête à trois visages cauchemardesques, des bourrelets de graisse à faire pâlir un orque suralimenté, ainsi qu’une tendance évidente à la flatulence nauséabonde. Devant mon air médusé, l’un de mes acolytes confirma mes pires craintes : cette chose ÉTAIT la princesse ! La princesse Theradras, créature du chaos que nous devions non pas sauver, mais anéantir. La situation prenait un tout autre tournant. Je décidai néanmoins d’épauler mes compagnons dans leur combat.
La plus forte d’entre nous, une chamane, se rua sur la princesse pour la provoquer et tenter de conserver son attention. Nous entrâmes alors tous en jeu, décochant nos flèches les plus acérées, lançant nos sorts les plus dévastateurs, déchaînant toute notre puissance sur l’infâme créature. Jusqu’au moment où la chamane tomba. Je vis alors les membres du groupe s’effondrer rapidement, tour à tour emportés par les coups de la géante. Étant le plus éloigné, j’étais le dernier survivant. Voyant l’ennemie très mal en point, je continuais à la bombarder frénétiquement de mes flèches, qui finissaient dans sa chair comme autant de piqûres de moustiques. Sa rage compensant aisément l’affaiblissement dû à ses blessures, je succombai aux premiers de ses coups. Elle repartit alors au fond de sa caverne afin de se refaire une santé.
Mes compagnons connaissant les secrets de la nature et de la vie, ils nous ramenèrent l’un après l’autre d’entre les morts. Décidés à se venger et connaissant désormais la force de l’adversaire, ils étaient prêts à prendre leur revanche. Mon pantalon était déchiqueté et mes bracelets en lambeaux, n’offrant plus aucune protection. Mais ma spécialité étant avant tout l’attaque à distance, je pensai que ça ne changerait pas grand-chose. Et en effet, le deuxième combat ressembla étrangement au premier. Nos corps inanimés jonchaient le sol de la grotte. Après quelques instants, la chamane nous ramena à nouveau à la vie. Cette fois-ci, c’était au tour de mon plastron et de mes épaulettes d’être devenus des haillons inutilisables. C’est avec mauvaise grâce et très peu d’espoir que j’acceptai un troisième combat. Mais au moment où j’empoignai mon arc, je m’aperçus que ma main s’était refermée sur un morceau de bois relié par une corde effilochée à quelques échardes. Un comparse me tendit alors un arc de moindre facture que le mien, mais en meilleur état. Le troisième combat s’engagea. La troisième boucherie. Lassé par les défaites successives, je laissai là le reste du groupe, qui ne tarda pas à quitter Maraudon, ayant finalement compris quelles étaient nos chances face à la princesse.
Malgré ses tendances à l’autruchophagie, je garde un excellent souvenir de ce groupe, notamment des bons mots de Pochtroll, fidèle à l’humour troll. Néanmoins, ami chasseur, garde ce conseil en tête au moment de pénétrer dans un lieu exigu en compagnie d’inconnus : ne t’adjoins pas un familier trop appétissant !