Ah, les cavernes des lamentations ! Ses grottes humides, que j’ai parcourues de nombreuses fois ; ses raptors déviants, coriaces et belliqueux, ses fleurs de serpents, cachées dans les replis de la roche, ses crocilisques blancs, ses druides, ses… Enfin, bref, les lamentations, quoi !
J’ai eu en effet à y pénétrer à plusieurs reprises, pour remplir diverses quêtes, que mes « clients » n’ont pas daigné exécuter eux-mêmes… L’une d’elles consistait à s’emparer de gemmes arrachées aux cadavres encore chauds de druides ayant mal tourné. J’avais déjà acquis plusieurs gemmes, au cours de mes précédents voyages dans ces cavernes en compagnie de courageux aventuriers, et il ne me manquait que la dernière pour mettre fin à cette hérésie contre nature. J’étais donc cette fois encore descendu dans la moiteur oppressante des grottes, au sein d’un petit groupe. Après avoir lacéré plusieurs raptors, décapité quelques serpents et tranché les membres de deux ou trois druides, le groupe initial s’amoindrit quelque peu après le départ de certains membres, lassés de trop de combats. Nous ne fûmes ainsi plus que deux à poursuivre notre chemin dans le dédale des cavernes. J’étais moi-même assez fatigué, mais mon compagnon (dont j’ai malheureusement oublié le nom), connaissant bien ces grottes, se proposa de me guider jusqu’au dernier druide. Après avoir emprunté divers chemins tortueux, tuant çà et là quelque ennemi ayant survécu au premier assaut, nous débouchâmes en haut d’un couloir en pente, sur un promontoire surplombant l’une des cavernes. À quelque distance en face de nous, de l’autre côté de la grotte, l’entrée d’un autre couloir. Et entre ces deux couloirs, une plate-forme au sommet d’un pilier. Mon équipier m’expliqua qu’il était nécessaire de nous rendre en face en sautant tout d’abord sur la plate-forme. Devant mon scepticisme, il prit son élan et, avec une agilité étonnante pour un tauren, il se retrouva de l’autre côté de la grotte en deux sauts rapides. Si un bovin lourdaud était capable d’un tel exploit aussi facilement, ce serait un jeu d’enfant pour un troll tel que moi ! Je pris donc mon courage à deux mains et mon arc dans l’autre (euh… oui, bon), sautai d’un pas vif pour retomber… 6 mètres en contrebas, non sans avoir vainement tenté de me rattraper au pilier central. Non découragé pour si peu, je refis le trajet jusqu’au promontoire, pour une deuxième tentative. Puis une troisième. À la cinquième, je réussis enfin à atterrir sur la plate-forme sous les encouragements de mon coéquipier, mais, emporté par mon élan, je chus de nouveau dans la caverne inférieure. Je crois qu’à ce moment, j’aurais été couvert de bleus si ma peau de troll ne présentait déjà cette teinte ! Je commençais à me décourager, mais les demandes insistantes de mon compagnon pour parvenir au dernier druide avant que d’autres ne reviennent m’empêchèrent d’abandonner. Je fis appel à toute ma concentration, une fois arrivé sur le promontoire. Et là, je réussis, non seulement à réaliser à nouveau une chute de 6 mètres, mais de plus à rester coincé à la base du pilier central. J’avais beau tourner en tous sens, essayer de sauter hors de là, je ne parvenais pas à me dégager de cet endroit ; autour de moi, j’entendais les encouragements un peu las du tauren, les cris inquiets de mon autruche, et je sentais le regard perplexe d’un serpent-tonnerre volant à proximité. Après maints efforts, je réussis tant bien que mal à me dégager, puis après quelques nouveaux essais, je parvins enfin à l’autre couloir. Nous poursuivîmes alors notre chemin, pour nous rendre assez rapidement compte que ce n’était pas le bon, puisqu’il conduisait à une salle que nous avions déjà visitée. Résistant à l’envie impérieuse d’étrangler mon compagnon -je ne sais pas même pas si mes deux mains auraient suffi à faire le tour de son cou de taureau- je suivis encore ses pas hésitants le long de plusieurs chemins avant que nous n’arrivions enfin au druide tant recherché. Je ne sais même plus si nous sommes parvenus à l’éliminer cette fois-ci, je me rappelle juste m’être réveillé deux jours plus tard à l’auberge de la croisée des chemins…
Je t’ai ainsi livré cette histoire dans sa pleine véracité, ami lecteur, bien qu’elle ne soit glorieuse ni pour mon compagnon ni pour moi, mais si tu pouvais en retirer un enseignement, je m’en réjouirai : avant de t’engager sur les chemins sinueux d’une quête inconnue, sois sûr de ton guide !