(*) Mode multijoueur en « escarmouche » à 2 en réseau local et jusqu’à 4 sur Internet ou réseau IPX (ne me demandez pas non plus !).
Une extension est sortie en 1999, Undiscovered Worlds, comprenant 12 niveaux supplémentaires.
Ces images sont tirées de la version originale sur PC, qui est très difficile à faire fonctionner sur les derniers Windows. Après avoir pris ces quelques photos, je me suis attelé au projet de modernisation amateur (« launcher », « remaster », « patch », je ne sais pas quel terme est le plus approprié), qui est sans conteste la meilleure façon de profiter de ce titre aujourd’hui. J’y reviendrai plus bas.
À l’aube de la création de ce jeu… Il y avait ce studio, Bullfrog, qui développait depuis plusieurs années un moteur 3D d’avant-garde, sans savoir exactement quoi en faire. J’imagine la volonté d’adapter leur plus grand succès passé, Populous, mais techniquement, les machines manquaient de puissance. Ils ont d’abord essayé d’y greffer un jeu de tir, sans grande conviction si j’en juge par l’état de finition. Ceci n’est qu’une conjecture de ma part, mais je pense que s’ils y avaient consacré un peu plus de temps, s’ils avaient déployé les mêmes efforts de promotion que pour Populous en son temps, ils compteraient un classique incontournable de plus dans leur catalogue. Magic Carpet est une scandaleuse occasion manquée. Je ne m’en remets toujours pas.
Quelques années après, la progression du matériel a permis de pousser plus loin le concept de déformation du terrain sans faire flamber nos ordinateurs (mais c’était limite !). Le temps était venu d’unir leur moteur 3D novateur à leur célèbre « jeu des dieux ».
Rappelons-en le principe : vous êtes une divinité omnipotente, guidant de manière indirecte une peuplade préhistorique. Vos providentielles entremises reviennent essentiellement à aplanir le relief, ménageant à vos fidèles l’espace requis pour agrandir leurs habitations, accroître leur population puis étendre leur territoire, jusqu’à l’inéluctable « rapprochement » avec la peuplade voisine (chaperonnée par une divinité rivale), suivie de l’anéantissement de l’une par l’autre. Pour accélérer cette animosité atavique (et vous amuser), vous commandez un arsenal de sorts cataclysmiques à déchainer sur la tribu ennemie (tremblement de terre, volcan, raz de marée… et bien d’autres encore dans Populous 2). Particularité notable : vos ouailles mènent leur petite vie en toute autonomie, inconscients de votre présence et de vos agissements.
En dépit de similarités certaines, Populous: The Beginning n’est pas une adaptation de Populous en 3D. Il s’apparente plutôt à un jeu de stratégie en temps réel (simplifié), où l’on communique directement des ordres à nos zigs (construire, partir en reconnaissance, combattre…), où l’on place nous-mêmes des bâtiments servant à produire des troupes, avant de diriger celles-ci vers le camp adverse. Autre changement majeur, le joueur ne tient plus le rôle d’une puissance éthérée invisible, mais incarne le personnage de la shamane, la cheffe de la tribu. Elle aussi, contrôlable individuellement, et susceptible de se faire attaquer et tuer (et ressusciter).
Je possédais ce jeu sur PlayStation (d’où proviennent les quatre images juste au-dessus), une version techniquement limitée, souffrant d’une résolution et d’un débit d’images réduits, sans oublier la direction incommode à la manette. Organiser et déplacer une « armée » s’avérait incroyablement laborieux. Par ailleurs, les introductions de niveaux étaient marquées par des travellings de caméra accompagnés d’une narration en français, qui recyclait les mêmes phrases préenregistrées, souvent en décalage avec l’action à l’écran. Ces séquences, au demeurant superflues, ne pouvaient même pas être passées.
Sur PC, le contrôle de la caméra reste peu intuitif, et le manque général de précision rend certaines actions, comme la navigation maritime, pour le moins déplaisantes. Le jeu ne propose pas de raccourcis clavier pour sélectionner des groupes de soldats prédéfinis, mais la barre latérale dispose au moins de boutons pratiques pour appeler des unités de chaque type, une par une, cinq par cinq, ou en totalité, ainsi qu’une fonction de recentrage sur la shamane. Cela évite les va-et-vient fastidieux sur la carte ou l’extraction manuelle des petits bonshommes de leurs pénates.
Il est d’autre part difficile d’anticiper le comportement des unités. Les prêcheurs, qui ont la capacité de convertir les fidèles adverses, ont une influence considérable sur l’issue des batailles, mais s’ils sont interrompus par le moindre projectile perdu, ils perdent immédiatement le contrôle et la situation se renverse. Cela donne des affrontements chaotiques, me conduisant à systématiquement sauvegarder avant chaque engagement. Ce n’est pas un signe de confiance.
Concernant le rendu visuel, la filiation avec Magic Carpet transparaît clairement. La ligne d’horizon présente une courbure plus prononcée, probablement pour masquer habilement les limitations de la distance d’affichage sans recourir à des subterfuges de programmation comme le brouillard. Le terrain est ainsi projeté sur une sphère que l’on peut faire pivoter dans toutes les directions. Les 25 mondes visités sont autant de petites planètes à conquérir.
La modification dynamique de la topographie est saisissante, surtout lorsqu’un volcan surgit ou que le sol s’élève ou s’enfonce dans la mer, emportant les maisons avec lui. Les personnages, eux, sont représentés en 2D. Leurs animations cartoon, accompagnées de bruitages burlesques, apportent beaucoup de personnalité. J’adore propulser mes ennemis dans les airs avec mes boules de feu, ou les précipiter dans l’eau. Un peu moins drôle quand ce sont mes adeptes qui finissent à la flotte…
La 3D engendre tout de même son lot de problèmes : le nombre d’unités est plafonné à 200 pour préserver les performances, les ralentissements sont fréquents, la visibilité est parfois compromise, et comme dans tous les jeux analogues de l’époque, la recherche du chemin pâtit du relief modulable. Ces contraintes techniques affaiblissent considérablement les aspects stratégiques.
Deux ressources entrent en jeu : le bois, nécessaire à la construction, et le « mana », qui alimente les sorts. Nos « braves » se chargent automatiquement de la récolte du bois, tandis que le mana se régénère spontanément en fonction de la taille de la population. Celle-ci croît naturellement à mesure que de nouvelles huttes sont érigées, mais l’espace restreint limite son expansion. Par conséquent, l’aplanissement du terrain, mécanique centrale des précédents opus, devient ici anecdotique. De même, les habitations n’évoluent pas, alors que c’était l’attraction majeure du premier Populous, dès sa glorieuse séquence d’introduction.
Quant aux éléments empruntés au genre « stratégie temps réel », jugez vous-même : une seule faction jouable, un panel d’unités restreint, peu de structures, des cartes exiguës, et une progression linéaire, dictée par l’appropriation de totems débloquant de nouveaux pouvoirs (j’ai fait le même reproche à Lemmings 3). À cela s’ajoutent des évènements scriptés et minutés qui bousculent les décisions du joueur. Si les rebondissements scénarisés peuvent enrichir une campagne solo (contrairement à Supreme Commander qui privilégiait les escarmouches au détriment du contexte), leur implémentation ne doit pas être trop visible ni contraignante. La dimension stratégique m’a laissé sur ma faim, se résumant simplement à mémoriser le schéma d’attaque de l’ordinateur pour mieux recommencer.
Je reconnais que ses prédécesseurs n’étaient guère réputés pour leur profondeur stratégique, mais ils offraient davantage de liberté. La situation s’aggrave en milieu de jeu, lorsque la shamane devient si puissante, et l’emploi des soldats si incertain, que je n’ai quasiment plus compté que sur elle. Le jeu bascule alors vers l’action, l’ergonomie en moins.
En définitive, Populous: The Beginning séduit par son originalité mais déçoit par sa rigidité, tant dans ses contrôles que dans la résolution dirigiste des missions. Les mondes manquent d’envergure, et la campagne, de souffle épique. Le sentiment de conquête s’efface devant les accidents imprévisibles (impliquant communément boules de feu et étendues d’eau…) qui forcent à recharger une sauvegarde dans un élan de rage. En dépit d’une atmosphère remarquable, ce jeu m’a apporté plus de frustration que de satisfaction.
Le moteur 3D, peut-être trop ambitieux, dessert un genre qui demande lisibilité, précision, et éventuellement une plus grande échelle. Au-delà de sa présentation, je n’ai pas l’impression que ce jeu innove particulièrement. Il souffre énormément de la comparaison avec Warcraft 2 (1995), stratégiquement plus abouti. C’est tout le problème de bâtir autour d’une solution technique, avant d’y insérer un concept de jeu au chausse-pied. Le résultat, c’est un titre qui met en valeur le moteur 3D, non l’inverse.
Ce jeu conviendra aux joueurs cherchant une introduction accessible à la stratégie en temps réel, enrichie d’éléments d’action-aventure et de puzzle. Il décevra en revanche les stratèges aguerris, et plus encore les inconditionnels de Populous, en raison de l’abandon partiel du concept de simulation divine (god game).
Pour l’anecdote, je crois devoir à Populous: The Beginning ma première observation d’une T-pose (ou plus précisément d’une Y-pose). Vous savez, ce bug bien connu figeant un personnage, bras écartés, dans sa position « par défaut ». Oh pardon, j’oubliais Bond Mine !
* * *
Multiverse Launcher (2017)
Un « presque remake » baptisé Multiverse Launcher, gratuit et réalisé par des amateurs, est disponible sur PC. Il requiert le jeu original et quelques ajustements, mais apporte de nombreuses optimisations, des campagnes inédites et des fonctionnalités multijoueur, avec des tournois compétitifs toujours organisés en 2025. Ajoutez un point à ma note pour cette version modernisée (tant que vous y êtes, retirez-en un pour l’adaptation PlayStation).
À l’heure où j’écris cette page, leur site affiche deux liens côte à côte : l’un menant vers la version payante (de 1998), l’autre permettant de télécharger gratuitement le même jeu. Je ne sais pas si c’est bien légal. Sachez cependant qu’on le trouve régulièrement en promotion sur GOG pour moins de 2 euros.
Parmi les améliorations, il est d’abord plus facile à installer et plus stable sur une configuration récente. De plus hautes résolutions sont supportées, les graphismes ont été optimisés, en restant fidèles à l’original. Les performances sont nettement supérieures (débit d’image, précision du curseur, nombre d’unités). Vous profiterez également de nombreux petits ajustements, d’une intelligence artificielle affinée, d’améliorations esthétiques, de raccourcis clavier, sans parler des mods optionnels.
Je tiens à souligner en passant que le système de configuration des touches est le plus complexe et confus que j’aie jamais rencontré. Mes touches enregistrées ne correspondaient même pas à celles que je pressais (il fallait décocher l’option « ASCII »). N’oubliez pas non plus de cliquer sur « Save Hotkeys » quand vous aurez terminé, faute de quoi, il faudra répéter la partie de plaisir ! Sans vouloir cracher dans la soupe, j’aimerais qu’on m’explique pourquoi les logiciels open source présentent toujours des interfaces utilisateur à ce point mal branlées ? Et ne me lancez pas sur Open Office ou Scid vs PC !
Cela m’a pris plusieurs heures (certains s’accommoderont peut-être des commandes par défaut), mais une fois les boutons personnalisés, redécouvrir le jeu avec ces améliorations modernes fut un réel plaisir. Je regrette seulement qu’ils n’aient pas fourni des textures de meilleure qualité (notamment le ciel qui est pixélisé). Le panneau latéral aurait aussi besoin d’un lifting, et j’aurais souhaité une option pour désactiver la courte séquence du « tour du propriétaire » en ouverture de niveau, pendant laquelle les commandes nous sont retirées. Assez énervante lors des tentatives répétées sur les missions difficiles.
Marche à suivre pour installer ce machin :
Téléchargez le jeu d’origine et le launcher.
Commencez par installer le jeu, puis installez le launcher dans le même dossier.
Allez chercher la campagne originelle ici (il suffit de cliquer sur le bouton « Multiverse » et elles iront s’installer toutes seules dans le programme).
Si vous désirez une plus forte opposition, la campagne originale a été retravaillée à l’occasion du quinzième anniversaire du jeu, vous la trouverez ici.
Il y a bien d’autres niveaux supplémentaires à télécharger sur le site. Comme d’habitude, ma critique ne s’applique pas au multijoueur. Si cela vous intéresse, je vous laisse ces quelques liens :
Populous Revival est un patch communautaire qui apporte de profonds changements destinés à équilibrer le mode multijoueur. Il est inclus (en option) dans l’Enhanced Edition.
Enhanced Edition, un projet distinct du Multiverse Launcher introduisant un mode escarmouche jusqu’à huit joueurs et une campagne en coopération pour deux joueurs.