Genesia

Genesia Genesia Genesia Genesia

Développeur : T. ZighemGraphismes :
Éditeur : MicroïdsSons et musiques :
Année : 1993Difficulté :
Genre : StratégieDurée de vie :
Nombre de joueurs : 1 à 3, alternésNote : 7/10


Genesia, c’est la contrée typique rôliste : des arbres, des culs-terreux et sept joyaux sacrés, garants de l’équilibre naturel… Vous êtes déjà venu ?

Le jeu est connu sous le nom Ultimate Domain aux États-Unis. Sa présentation en 3D isométrique, dans un cadre stylisé minuscule, bordé de deux rangées d’icônes, est calquée sur Populous, mais son fonctionnement au tour par tour le rapproche davantage de Civilization.

Vous êtes le chef d’une bande de colons que vous allez faire prospérer. Vous commencez avec trois ou quatre individus, dont vous attribuez les rôles : fermier, bûcheron, menuisier, architecte, forgeron… Vous donnez l’ordre de construire des bâtiments afin d’accumuler des ressources, augmenter votre population et étendre votre territoire. Plus tard, vous constituerez une armée pour conquérir les deux contrées rivales, avant qu’elles vous rendent la pareille.

L’originalité de ce titre, c’est la faculté, à chaque tour (équivalent à une saison), de changer la profession de chacun de vos bonshommes (et bonnes femmes) pour vous adapter aux conditions climatiques et répondre à vos besoins les plus urgents. Tout est dans l’équilibre : creuser des puits pour vous approvisionner en eau, mais pas trop, pour ne pas épuiser la nappe phréatique ; couper du bois, avec modération, sous peine de provoquer un désastre écologique. Négligez les fermiers et vous n’aurez plus assez à manger. Négligez les architectes et vous n’aurez pas assez d’habitations vacantes, indispensables à la croissance de votre population. En somme, ce n’est pas en tissant qu’on fait des éperons !

Parallèlement, un module de recherche, similaire à Mega lo Mania, vous laisse développer de nouvelles technologies, et ainsi contribuer au progrès humain… Oui, c’est ça, inventer des armes et trouer le bide de vos voisins.

Enfin, vos habitants sont des petits êtres sensibles, affligés d’une jauge de « moral », qui influe sur leur rendement, et qui dépend directement de leurs conditions de vie (disposer d’assez à boire et à manger, particulièrement). Ce moral peut être miraculeusement augmenté par de substantielles donations aux temples locaux (relevez le message subliminal sur le rôle de la religion dans nos sociétés).

Il y a deux façons de gagner, conquérir tous les territoires des deux autres joueurs (après avoir vaincu leurs armées), ou retrouver les sept joyaux divins cachés, évoqués plus haut. C’est rare et intéressant qu’un jeu de stratégie « de guerre » propose une approche non violente. Cela dit, il est hautement probable que l’un de vos adversaires acquière l’un de ces joyaux, qu’il vous faudra, tôt ou tard, récupérer par la force. Il est tout de même prévu de lier des alliances temporaires avec les autres peuplades et même de commercer.

La partie la plus amusante est la conquête, qui apparente ce titre à un wargame, tel que Warlords, même si je ne suis pas convaincu que le mode de représentation soit le plus adapté. L’environnement paraît exigu et compassé, du fait du relief et de la densité d’objets (arbres, rochers, maisons). Les déplacements de troupes (ou de chariots) en s’acquittant de points d’actions, sont passablement laborieux. D’un autre côté, si vous le comparez à Mega lo Mania ; ce dernier prodigue l’espace et la visibilité, mais n’en fait rien.

Je n’ai pas l’habitude de dire cela d’un jeu Amiga, l’interface m’a paru intuitive et claire. Je salue la présence d’une infobulle en bas à gauche, qui décrit ce qui se trouve sous le pointeur, en affichant même ses coordonnées. On observe de jolies animations (certainement inspirées de Powermonger), comme ces feuilles mortes qui virevoltent, en automne, par-dessus les fenêtres du jeu, ou le clapotement des vagues.

En revanche, le jeu demeure nettement plus statique que les modèles cités. Le rythme est très lent. On passe fréquemment son tour en début de partie en raison du manque de ressources. Pourtant, les premiers pas revêtent une importance capitale dans la course au développement avec vos voisins. Si vos colons tombent malades en trop grand nombre, ou que la foudre frappe vos forêts lors des premières saisons, il sera très difficile de rattraper votre retard.

Un petit bémol, pour finir : le tour par tour n’en est pas vraiment. Vous avez environ trois minutes pour accomplir votre tour. C’est une de mes marottes personnelles, j’estime que la limite de temps dans un jeu de stratégie est un aveu de faiblesse, le signe que le jeu ne pouvait pas s’appuyer seulement sur la profondeur de ses règles. Ici, le ressort principal consiste à exécuter des tâches répétitives, comme faire avancer la recherche, en cliquant sur les branches d’un arbre technologique, une par une ; ou à organiser la vente et le partage de ressources entre les parcelles, en effectuant des allers-retours par chariot, entre l’échoppe et les entrepôts. Cette gestion logistique est multipliée par le nombre de régions sous notre contrôle, et cela devient rapidement sciant, pour rester dans le thème…

Il paraît que les temps de chargement sont insoutenables si vous y jouez sur disquettes. Je l’ai installé sur disque dur (virtuel, sous émulateur), et n’ai pas trouvé à me plaindre de ce côté-là. Pour changer de carte, il faut redémarrer le jeu deux fois, en insérer la « disquette de configuration » entre les deux, ce que je trouve un peu tordu. Je recommanderais, de toute façon, de privilégier la version PC-DOS, améliorée visuellement et distribuée librement.

En fin de partie, j’ai rencontré un bug qui m’a empêché pendant plusieurs tours de recruter de nouveaux soldats. Dans toutes les casernes, le bouton correspondant à l’armée renvoyait au choix du taux d’imposition. Ça s’est résolu tout seul après avoir fait un don au temple. Dieu me l’a bien rendu…

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L’auteur, Thomas Zighem, a déclaré en interview qu’il n’a pas créé un « produit ». Le propos peut sembler cliché. Je le trouve transgressif, au contraire. Je le mettrais en rapport au « beau produit » vanté par le programmeur de Mr. Nutz, au cours d’une autre interview.

La version PC-DOS de Genesia est sortie en 1994. Une version iPad a été publiée en 2011, ainsi qu’un jeu de société dérivé en 2020. Un véritable remake modernisé a été annoncé en 2013, Genesia Héritage, qui s’appelle désormais Genesia Legacy: Ultimate Domain. Il est disponible en accès anticipé (c’est-à-dire pas fini) depuis 2017. Sa dernière mise à jour date de 2018. Pourtant, je constate qu’il demeure en vente en 2024, pour 16,79 €. Consternant. J’ai souvenir que ce même développeur conspuait les microtransactions dans les jeux modernes. Percevez-vous l’ironie ?

Pendant ce temps, un remake de Populous 3, gratuit, open source et terminé, existe. Je lui dédierai une page bientôt !

Où le télécharger ?
Abandonware-France (PC)
Planet Emulation
The Old Computer