« Rien ne passera ! »  (Il ment.)

The Horde

The Horde The Horde The Horde The Horde

Développeur : Toys for BobGraphismes :
Éditeur : Crystal DynamicsSons et musiques :
Année : 1994 (1996 sur Saturn)Difficulté :
Genre : Action-stratégieDurée de vie :
Nombre de joueurs : 1Note : 4/10


Je retiens ce jeu, principalement pour ses séquences vidéos, tournées avec des acteurs costumés et étonnamment bien réalisées, dans leur style volontairement loufoque. Le seul désagrément est de devoir se coltiner le jeu, entre les vidéos…

Dans les années 80, le LaserDisc permettait déjà d’intégrer des vidéos dans les jeux. La technologie coûtait cher et se trouvait cantonnée aux salles d’arcade. La mode n’a d’ailleurs pas duré bien longtemps, compte tenu de la faible valeur ajoutée pour le joueur (voir la fiche de Dragon’s Lair).

Au contraire, l’avènement du CD-Rom, au milieu des années 90, a démocratisé l’usage de la vidéo, affranchissant les développeurs des contraintes de stockage passées, et dans les cas extrêmes, du besoin d’un quelconque savoir-faire en programmation. C’est ainsi qu’une vague de jeux, dits « FMV » (pour Full Motion Video) ont investi les chaumières, souvent petits budgets, mal joués et encore plus mal doublés.

The Horde ne saurait être assimilé à un vulgaire « jeu FMV », car il n’y a pas d’interaction avec les vidéos. Elles servent simplement d’illustration, entre les niveaux, à la place des classiques scènes cinématiques. Signalons tout de même la présence sporadique d’images de synthèse, qui témoignent d’une certaine ambition.

L’histoire suit les pas de Chauncey, un jeune roturier, élevé par un troupeau de gentilles vaches sauvages (qui l’ont découvert dans un champ de carottes, précise la VF). Au cours d’un banquet, il porta assistance au roi, en train de s’étouffer. En récompense, ce dernier lui fit don de son épée, Pourfendeuse, et d’un lopin de terre fertile, régulièrement assailli par une horde de créatures gloutonnes (semblables à des gobelins rouges). Ce roi débonnaire me fait penser au personnage d’Otto dans la série Malcolm.

Le jeu a été développé pour la console Panasonic 3DO et porté sur PC en 1994, puis, deux ans plus tard, sur Sega Saturn (par le studio Silicon Knights). Il est considéré comme l’un des précurseurs du genre tower defense. Vous devez protéger un village contre des vagues de monstres, en plaçant des pièges ou des « tours de garde » en des endroits stratégiques. S’il n’y a pas à proprement parler de tours de garde, les chevaliers et les archers que vous recrutez se comportent comme tels, puisqu’ils se tiennent comme des piquets, sans bouger de leur position initiale, même si un villageois se fait jambonner, quelques mètres plus loin.

Chaque saison se déroule en deux phases. D’abord, la gestion du village, au calme, où vous préparez les défenses et mettez en place des sources de revenus (planter ou couper des arbres et acheter des vaches). En revanche, vous n’avez aucun contrôle sur les paysans, qui (s’ils survivent) prospèrent, construisent de nouvelles fermes et étendent leurs champs de manière anarchique (en trouant les murs de défense que vous vous êtes donné la peine d’ériger). À la fin d’un compte à rebours, l’attaque de la horde survient, et vous intervenez directement en dirigeant Chauncey. C’est la deuxième phase, qui se conclut quand tous les monstres ont été éliminés. Puis, vient l’heure des comptes. Si votre récolte ou votre bétail ont été ravagés, vous n’aurez plus assez de ressources pour payer vos impôts (qui ne cessent de croître), et la partie prendra fin.

Un facteur très frustrant est le temps limité pour préparer la défense du village, qui met en évidence les carences de l’interface. Le curseur, horriblement lent et attaché à une « grille » non orthogonale, rend le contrôle imprécis et désagréable. Panzer General fournit une interface similaire, à un détail près : pas de limite de temps, et ça fonctionne drôlement mieux.

Les premières saisons s’avèrent cruciales, étant donné que vos chances de réussite à long terme dépendent de la quantité d’or accumulée, qui, elle-même, dépend de la précocité de vos premiers investissements. Or, il y a un certain nombre de dispositifs contre-intuitifs à connaître pour maximiser vos recettes, qui l’emportent sur toute réflexion. Ni le jeu ni le manuel ne les expliquent. Je les ai appris sur le tas, c’est-à-dire trop tard, ce qui m’a conduit à recommencer du début, plusieurs fois.

Par exemple, vous êtes censé deviner qu’après un certain nombre de saisons, votre souverain vous attribuera de nouvelles terres (plus hostiles), et que vous ne conserverez que l’or restant dans vos poches. Pratiquement la seule manière de disposer d’un capital suffisant, pour survivre au déménagement, consiste à vendre tout votre bétail, soldats et autres structures, juste avant la dernière bataille. Laquelle n’est évidemment pas annoncée ; et si au contraire, vous continuez à dépenser vos ronds dans la protection de votre village, ce sera en pure perte !

Du reste, voulez-vous apprendre des choses sur nos amis les ruminants ? Les vaches paissent (tout bon joueur de Scrabble vous le dira). Cette activité produit du méthane et des pièces d’or. Comment reconnaître une vache productive ? Elle remue la queue. Dans le cas contraire, cela veut dire que toute l’herbe de sa parcelle est consommée, et elle cesse de… fonctionner. Ces pauvres bêtes, à l’instar de vos soldats, sont incapables de se mouvoir. Vous devez donc les relocaliser sur une zone herbeuse (ou marécageuse) en cliquant dessus, comme pour les vendre, puis en les « réinvoquant » quelques mètres plus loin, dans l’herbe. Dans ma partie, je passais la moitié de mon temps alloué à « téléporter des vaches qui ne remuent plus la queue ». L’exercice lasse assez vite, et j’ai connu plus profond en matière de stratégie…

Passons à la phase d’action. Ça va être plus simple…
Disons que les commandes, passablement lourdes, retranscrivent fidèlement le manque d’aptitudes du pauvre Chauncey à manier une épée plus grande que lui ! En outre, il se bloque dans le décor fréquemment, et la représentation en 3D isométrique occasionne naturellement des problèmes de visibilité (ennemis masqués derrière un objet). Enfin, c’est pour moi la faute impardonnable qui ruine tout : l’emploi d’un inventaire d’objets, en temps réel, par défilement d’icônes. Alors que le jeu exige du joueur qu’il prenne des décisions rapidement, car les ennemis déboulent de toutes les directions, celui-ci est obligé de perdre de précieuses secondes, chaque fois qu’il veut changer d’arme, en faisant défiler sa collection d’ustensiles, et en priant d’avoir choisi le sens de défilement le plus court !

Bon sang, si vous n’êtes pas capables d’implémenter des commandes réactives, ce n’est pas grave : fournissez un écran d’inventaire standard, et mettez le jeu en pause quand on y accède !

Finalement, j’ai rarement connu une telle dégradation entre ma première et dernière impression. La scène d’introduction m’a fait rire, et pour cela, j’étais dans mes dispositions les plus indulgentes. Les premiers niveaux se sont montrés passables, mais rehaussés par des bruitages rigolos et des animations de cartoon. Progressivement, hélas, la difficulté oppressante, le maniement exécrable, l’absence de toute stratégie apparente ont eu raison de ma motivation. Ça a été un calvaire de continuer à jouer, et un calvaire de rédiger cette page, en tentant d’expliquer ses mécaniques les plus baroques !

La version PC se montre plus fluide et rapide, mais compte tenu du manque de précision (même à la souris), je ne suis pas sûr que cela soit un avantage. Toutes les images proviennent de la version Saturn.

Si le mariage entre jeu d’action et gestion vous intrigue, un autre titre s’y est essayé avec plus de réussite : ActRaiser (Super Nintendo, 1990).
Et si vous voulez voir un successeur spirituel à The Horde : Orcs Must Die! (2011). Je ne recommande cependant pas ses suites.

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À la vue des images, les experts de ce jeu, peu nombreux qu’ils sont, remarqueront sûrement l’erreur fatale que j’ai commise : j’ai regroupé mes vaches en troupeau, pensant naïvement les défendre plus aisément. Encore un système arbitraire non expliqué, les bovins doivent être espacés. Faute de quoi, ils… bousent de la caillasse, si j’ai bien compris. C’est pour cela que j’ai été contraint de déplacer mes bêtes au début de chaque manche, amputant le temps imparti pour construire. La partie dans le désert était devenue injouable à cause de cela, parce que je n’avais plus le temps pour irriguer mes sols. Je m’en suis rendu compte en regardant quelqu’un d’autre jouer (sur YouTube), après des heures de souffrance, ponctuées d’un abandon définitif.

Quant aux non-experts de ce jeu, ils n’auront absolument rien bité au paragraphe précédent.

Où le télécharger ?
Abandonware-France (PC)
Planet Emulation (PlayStation)
Romsfun